Le Président de la République a fait son choix, et ce choix est politique: il «envisage», selon la formule officielle, de nommer le député du Nord Bernard Roman à la tête de l’Arafer, en remplacement de Pierre Cardo, dont le mandat prend fin le 19 juillet à minuit.
Cette annonce est faite in extremis, juste à temps pour que les commissions ad hoc des deux Assemblées puissent auditionner le candidat avant les vacances. Bernard Roman, qui aura 64 ans dans quelques jours, le 15 juillet prochain, ne connaît pas grand-chose aux transports. Il devra donc d’abord convaincre ses ex-collègues parlementaires de son indépendance. Car c’est bien cette qualité première qui est demandée au régulateur: s’affirmer comme une autorité forte et indépendante, apte à trancher les conflits et à imposer une stricte application du droit.
Inamovible pendant six ans, ce proche de Dominique Strauss-Kahn, rocardien historique et ancien président de la Commission des Lois, devra aussi montrer que sa nomination est autre chose qu’un service rendu: le secteur des transports a besoin d’un régulateur à même d’accompagner sereinement et fermement l’ouverture à la concurrence. Il devra donc prouver sa capacité à animer le collège, lui-même soumis au renouvellement de deux de ses membres, et à motiver les services de l’Arafer, un brin débordés par l’accumulation des recours des régions face aux ouvertures de lignes d’autocars.
François Hollande, à une année de la fin de son mandat, n’a pas entendu les soutiens aux candidatures de Jean-Yves Caullet et Philippe Duron – ce dernier faisait figure de favori parmi les parlementaires rompus aux questions de transport, dont les noms circulaient depuis quelques semaines. Le Président a effectué un choix purement politique, dont on peut penser qu’il tient au destin de la 1ère circonscription du Nord, traditionnellement acquise au Parti socialiste. Le départ de Bernard Roman prépare-t-il l’élection au printemps prochain de Pierre de Saintignon, dont il est proche, battu aux dernières élections régionales?
Quoi qu’il en soit, cette décision témoigne du faible intérêt stratégique que les transports représentent pour les hauts dirigeants actuels. La situation n’est pas la même qu’il y a six ans, quand le choix d’un élu «emmerdeur», non spécialiste, avait été assumé par Jean-François Carenco, Dominique Bussereau et Jean-Louis Borloo, pour mettre en place le régulateur d’un secteur jusqu’alors hypermonopolistique. Aujourd’hui la position stratégique de l’Arafer nécessite surtout une consolidation claire, solide et rapide de ses corpus de décision qui contribuent fortement à dessiner le futur paysage concurrentiel. A Bernard Roman de prouver rapidement son intérêt et son implication. A défaut, on pourra faire du Beaumarchais: «Il fallait un stratège, c’est un barbier qui l’emporta.»