Cécile Duflot, sortie de route
«Je vous souhaite donc de continuer à me poser des questions… auxquelles je n’ai pas envie de répondre ! Je ne vous promets pas d’y répondre davantage en 2013 qu’en 2012, mais persévérez, on ne sait jamais. Qui sait, à l’usure…»
Le discours des vœux à la presse de Cécile Duflot, lundi 21 janvier, dont est issue cette citation, mérite d’être lu dans son intégralité. Non pas tant pour des annonces politiques – à part le Logement, domaine que la ministre maîtrise bien, ce ne sont que banalités du style : «Le Grand Paris de demain doit être fait avec et pour les habitants.» Mais pour une présentation longue et détaillée de sa conception de la politique, de l’exercice du pouvoir et de sa vision du rôle des médias en République.
«Je vous souhaite donc de continuer à me poser des questions… auxquelles je n’ai pas envie de répondre…». Cécile Duflot appelle ça explicitement le «jeu du chat et de la souris». Aurait-elle raison de mettre des mots sur une relation qui tourne parfois au dialogue de sourds ? Ah ! ce mythe de la franchise: continuez à faire votre boulot formidable de contre-pouvoir, moi je fais le mien et fermez le ban… ça nous rappelle la fameuse réponse de Georges Marchais à Alain Duhamel, qui lui faisait remarquer qu’il ne répondait pas à sa question : «C’était p’têt pas vot’question, oui mais c’est ma réponse !» Chez Cécile Duflot, cela donne : «Vous avez vos questions, et nous autres politiques avons nos réponses et toute la difficulté pour nous est de faire croire qu’elles correspondent à vos questions davantage qu’à une stratégie prédéfinie.»
Nous y voilà. On passe du soupçon d’enfantillage (eh mesdames et messieurs les journalistes, j’admire ce que vous faites quand je suis spectatrice, mais là je suis ministre !) à un désolant constat de pensée rétrograde. On espérait pourtant, bien naïfs, que la gauche écologiste avait admis que les médias n’étaient pas simplement un contrepouvoir si utile et précieux, mais qu’ils participaient eux-mêmes de la construction démocratique par leur capacité à faire progresser les débats, les échanges, les pratiques. D’autant plus que le thème de prédilection des écologistes, la transition écologique, apparaît d’une grande pertinence. Nous nous sommes trompés.
Nous assumons notre prétention : nous nous faisons une idée suffisamment haute du journalisme (quels qu’en soient les égarements et les erreurs) pour ne pas admettre qu’on le réduise à un jeu exclusif entre les détenteurs des pouvoirs établis et les empêcheurs de tourner en rond. Allez à Bruxelles, Cécile Duflot, allez aux Etats-Unis, et vous verrez que les pouvoirs n’ont pas autant que vous la délectation du camouflage des intentions, manœuvres et stratégies. Ils acceptent les règles du dialogue, quoi qu’il leur en coûte. Acceptez vos partenaires démocratiques tels qu’ils sont, au lieu de leur donner sans cesse des leçons de cynisme, sans vous remettre en questions.
Respectueusement,
Gilles Dansart