Stéphane Volant, secrétaire général de la SNCF, a bien voulu nous confier ses souvenirs d’un élu et ami qui a contribué à faire évoluer une famille cheminote à laquelle il était tant attaché.

ECONOMIE-MONDIALISATION-HUBERT HAENEL


Le 10 août dernier, au moment où Hubert Haenel passait « sur l’autre rive », une pluie d’éloges s’abattait sur lui, prononcés avec sincérité et émotion par des amis nombreux et d’horizons si divers que nous prenions tous vraiment conscience de la richesse de sa (ses?) vie(s), de la constance de ses engagements et des fidélités qu’il avait su tisser pendant 73 ans.

Bien sûr, il y avait l’Alsace et plus particulièrement sa vallée et ses montagnes de Lapoutroie qu’il avait servi comme maire, conseiller régional et sénateur de 1977 à 2010. Cette Alsace si particulière qu’elle ne se comprend vraiment, comme Hubert Haenel, qu’au travers de son attachement indéfectible à la République française et à sa soif immodérée d’Europe.

Il y avait aussi le Droit. Le Droit juste qui fait le bien. Ce droit-là auquel Hubert Haenel a consacré sa vie de magistrat, du Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel.

Il y avait encore la Défense nationale dans toutes ses composantes : l’armée de Terre et celle de l’Air, la Marine et la Gendarmerie, les soldats d’active comme ceux de réserve. Hubert Haenel leur consacra un rayonnage de « Que sais-je ? » !

Il y avait enfin le service public qu’il avait commencé à servir comme « agent de tri postal » quand il était jeune homme, auquel il était si attaché et qu’il défendait naturellement, notamment quand il traçait les lignes d’une SNCF rénovée, conquérante, efficace, au cœur de la vie des Français.

Car de tous les engagements d’Hubert Haenel, le plus original était peut-être son amour de la SNCF, dont les 150 000 cheminots portent aujourd’hui le deuil. Hubert Haenel aimait se dire « l’ami des cheminots ». Un ami sincère car il les connaissait bien et les aimait quand même !

Hubert Haenel savait écouter les cheminots et leur faire confiance. Il sut donc les croire et les encourager quand, pour sauver les trains régionaux, ils imaginèrent d’en transférer la responsabilité aux régions. En effet, si cette intuition que la régionalisation allait sauver les trains régionaux agonisants revient à la SNCF, la mise en œuvre de cette « révolution ferroviaire » revient à Hubert Haenel pour ses aspects institutionnels.

C’est lui qui proposa une expérimentation pendant six mois à laquelle la région Alsace se porta naturellement candidate. C’est lui encore qui obtint que le transfert de compétence s’accompagna d’un transfert de ressources « au franc le franc ». C’est ainsi à Hubert Haenel et à personne d’autre que revient l’honneur d’être à l’origine du plus bel (de l’unique ?) exemple de décentralisation vraiment réussie dans notre pays. Il détient, avec la SNCF, le brevet de l’invention de la régionalisation du système ferroviaire, mis en œuvre depuis par les régions.

Mais quand Hubert Haenel se passionnait pour une question, il ne la traitait pas à moitié. Et comme il aimait passionnément la SNCF, il ne se contenta pas de faire seulement entrer les TER dans le deuxième millénaire…

Avec son collègue sénateur François Gerbaud, il choisit donc aussi de gagner « une nouvelle bataille du rail », celle du fret ferroviaire. Et là encore, les dirigeants de la SNCF s’inspirèrent de son rapport pour, notamment, conduire l’intégration industrielle du fret.

Enfin, en 2008, Dominique Bussereau, alors secrétaire d’Etat chargé des Transports, lui confia une mission sur « l’évolution du système ferroviaire » dont les conclusions sur la direction des circulations ferroviaires, les gares et le rapprochement de RFF avec la SNCF, sont autant d’exemples qui marquent son engagement visionnaire au service de la SNCF, pivot essentiel des services de mobilité de notre pays.

Ainsi pendant vingt ans, Hubert Haenel porta haut les couleurs du transport ferroviaire dans l’exercice de ses mandats régionaux alors qu’il occupait les fonctions de vice-président chargé des transports de la région Alsace de 1998 à 2004, puis au Sénat comme membre des commissions chargées de suivre les questions de transports et d’aménagement du territoire. Il le fit toujours avec une bienveillance et une clairvoyance qui étaient sa marque.

Hubert Haenel disait les choses. Puis, il les mettait en œuvre. C’est sans doute pour cela qu’il fut, de 1996 à 2008, l’un des administrateurs les plus engagés et les plus respectés de la SNCF et probablement, à l’exception des présidents Louis Gallois, Anne-Marie Idrac et Guillaume Pepy eux-mêmes, l’un des cheminots les plus connus, surnommé affectueusement par certains « cousin Hubert ».

Alors, avec un respect immense et une émotion sincère je veux, ici, laisser ces dernières lignes à un auteur inconnu qu’aimait citer le « cousin Hubert des cheminots » quand il évoquait son départ, un jour…

« Quand je mourrai, je veux qu’on sache que je ne suis pas mort.

Je serai à chacun tout entier, présent. A chacun des amis, des aimés, des enfants, ce que je n’aurai pu faire de mon vivant, je parviendrai enfin à le réaliser : être tout à chacun sans m’isoler de l’autre.

Mon sourire en Dieu effacera les larmes de la séparation, misérable illusion de nos yeux d’incarnés qui ne savent pas voir.

Je serai avec vous dans vos instants de grâce, lorsque, dans le silence installé dans vos cœurs, vous laisserez, tranquilles, s’écouler vos pensées. Lorsque vos sentiments deviendront harmonie, je viendrai visiter vos âmes et m’y asseoir, comme dans la maison ouverte d’un ami.

Je puis être avec vous lorsque vous m’appelez. Par un élan d’amour, une forme pensée, et vivre en même temps quelque part… « en ailleurs ».

Surtout, mes amis, ne pleurez pas. Faites-moi, je vous prie, cette grâce dernière ! Offrez-moi votre paix, le sourire du cœur.
(…)
Adieu ? Non. Au revoir ?… Disons : à maintenant ! »

Stéphane Volant

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