C‘est la date qu’il manquait pour que soit complet le calendrier de la réforme ferroviaire, et à ce moment du conflit social elle prend une importance capitale: le gouvernement vient de décider que le statut des cheminots serait supprimé pour les nouveaux embauchés à la SNCF dans un peu plus d’un an et demi, précisément le 1er janvier 2020.
Ce choix, s’il confirme définitivement l’intention affichée le 26 février par le Premier ministre, peut être considéré comme un élément de compromis: il n’y aura pas de période d’absence de cadre social à l’embauche pour les salariés de l’entreprise nationale, puisque selon le calendrier établi par les partenaires sociaux au sein de l’UTP, la négociation de la convention collective de branche devrait s’achever courant 2019, aux alentours de l’été *. Il est surtout logique: de nombreux spécialistes considèrent que l’adoption de la convention collective aurait dû précéder la fin du statut, ce qui aurait évité d’en faire un point majeur de crispation sociale.
Cette date pivot du 1er janvier 2020 confirme également la stratégie d’une réforme en deux temps, d’abord en ce printemps 2018 avec le vote de la loi, puis au cours de l’année et demie qui vient avec le contenu des ordonnances et quatre grands chantiers ouverts:
- la négociation de la convention collective voyageurs,
- la préparation de la filialisation du fret,
- les conditions précises de l’ouverture à la concurrence,
- la préparation des nouveaux statuts de l’entreprise.
C’est sur la question décisive de la reprise de la dette que le gouvernement est encore le plus flou, du fait notamment des complexités du dispositif à mettre au point sur fond de résistance de Bercy. Mais l’engagement a été pris publiquement, par Edouard Philippe puis par Emmanuel Macron dimanche dernier: la dette sera progressivement reprise à partir du premier janvier 2020. Et la création des trois nouvelles entités la rendra de toute manière totalement indispensable, puisque qu’une SA ne peut être créée avec un tel fardeau.
Tout est donc sur la table, ou presque (y aura-t-il une amélioration du contrat de performances pour SNCF Réseau?), pour la deuxième étape de la construction d’un nouveau paysage ferroviaire autour de la SNCF, avec la concurrence en toile de fond. De façon baroque voire chaotique, avec un mélange d’autoritarisme (les ordonnances) et de cafouillages (les concertations de la ministre et pas mal d’approximations), le gouvernement retombe aujourd’hui sur ses pattes avec une feuille de route enfin claire pour les deux ans à venir, et le soutien massif des députés.
Les choix effectués sont-ils les bons? Les cheminots, et notamment les plus réformistes d’entre eux, accepteront-ils de travailler à cette construction, se sentiront-ils suffisamment forts pour maintenir leur pression de façon continue dans les mois à venir? Des réponses à ces questions dépend l’avenir d’une entreprise aujourd’hui fragmentée et déboussolée, décontenancée par une année de crises ouvertes, déjà tiraillée par les ambitions personnelles, et à laquelle de nouveaux dirigeants, mis en place au plus tard début 2020, devront essayer de redonner une unité et une cohérence managériale.
* Il reste trois groupes de questions à négocier sur les huit inscrites au programme de la négociation au sein l’UTP (qui réunit entreprises ferroviaires et syndicats): la prévoyance, les rémunérations et classifications, la représentativité syndicale.