600 millions d’euros, trois fois plus d’espaces, un nouveau terminal ferroviaire, une ouverture très forte aux mutations sociétales et urbaines, de l’intermodalité, des services, des commerces: la nouvelle gare du Nord est conçue pour être prête à l’échéance des Jeux Olympiques de 2024. Une négociation exclusive est engagée avec Ceetrus, le nouveau nom de la foncière commerciale d’Auchan, Immochan (7,5 milliards d’actifs), pour aboutir d’ici la fin 2018 à une société commune avec Gares & Connexions.
S’il fallait trouver un signe que le ferroviaire survivra à ce très difficile printemps 2018, le projet de nouvelle gare du Nord rendu public aujourd’hui pourrait faire office de symbole. Première gare d’Europe avec 700000 voyageurs par jour (et déjà 800000 en 2024 !), l’édifice dessiné par Hittorff en 1864 s’apprête à changer de visage en quelques années, pour devenir bien plus qu’un espace dédié au transport agrémenté de commerces et de services. Le projet tel qu’on va le découvrir est à la mesure des évolutions contemporaines, avec une intégration très forte des fonctions urbaines, y compris les plus récentes, et de toutes les mobilités, avec le vélo à l’honneur.
Les premières esquisses de l’architecte Wilmotte ont laissé la place à un projet plus raisonnable du point de vue ferroviaire, très dynamique pour les espaces et les flux
En à peine deux ans, les premières esquisses de l’architecte Wilmotte, qui avait abordé certaines contingences avec une certaine légèreté, ont laissé la place à un projet plus raisonnable du point de vue ferroviaire, et très dynamique pour les espaces et les flux. Concrètement, on limite au strict minimum les échanges avec SNCF Réseau ; si on prend appui sur les plates-formes pour construire au-dessus ou créer des passerelles, cela ne devrait pas handicaper les circulations du quotidien. Ce retour à une forme de raison était indispensable pour ne pas désespérer les centaines de milliers de voyageurs qui auront déjà à naviguer pendant plusieurs années dans des espaces en travaux totalement bouleversés.
Deuxième arbitrage rendu, la nouvelle gare du Nord est bel et bien un projet très ambitieux. A 600 millions d’euros, il peut l’être, assurément, mais ce n’était pas gagné vu les progrès encore récents du malthusianisme ferroviaire. Les chiffres se sont imposés: les projections de trafics et de fréquentation sur tous les flux (Eurostar et Thalys, TGV, banlieue, RER et notamment Eole), sans oublier les Jeux Olympiques pour lesquels l’édifice sera une porte d’entrée majestueuse, imposaient de changer de braquet. Les espaces de circulation seront multipliés par 2,5, le terminal Eurostar sera agrandi de même que le terminal départ, avec une différenciation flux de départ-flux d’arrivée.
Pas question, donc, de faire petit pour refaire plus tard : la nouvelle gare du Nord s’inscrit bel et bien dans la logique de City Booster voulue par le directeur général de Gares & Connexions Patrick Ropert.
Un symbole ? Une piste de running d’un kilomètre (photo ci-dessus) sera aménagée en surface, de même qu’une salle de sport, des terrains de padel ou de basket, avec une conciergerie qui proposera casiers, vestiaires et douches. Mais on trouvera aussi 2000 mètres carrés dédiés à la culture (une académie de la culture sera confiée à l’écrivain Laurent Guez), 5000 mètres carrés d’espaces de coworking, une crèche, des offres de restauration, des commerces…
Le modèle économique n’est pas encore totalement fixé dans les détails (l’exploitation commerciale sera-t-elle concédée sur 35 ou 46 ans ?), mais il repose sur une forte croissance des revenus de retail. Ceetrus, nouveau nom d’Immochan le géant du foncier commercial, détiendra 66% des parts d’une société commune avec Gares & Connexions, au terme des négociations qui devraient s’achever d’ici la fin de l’année (les deux candidats évincés de cette procédure sont Altarea et Apsys). L’architecte est Denis Valode, associé à Arep (qui avait signé la verrière d’extension il y a douze ans); Eiffage réalisera les travaux en association avec Bouygues Energies Services.
En matière d’intermodalité, la nouvelle gare routière (ouverte en 2024 à la concurrence) sera directement connectée au terminal départ et 1200 places de stationnement vélo (enfin !) seront aménagées, à toute proximité du cœur de la gare (les accès au métro seront également améliorés). Il reste à la mairie de Paris à la préfecture de Police à faire leur part de boulot en matière de circulation routière et piétonne, et d’accès aux taxis et autres VTC.
La saturation de plus en plus visible de la plus grande gare d’Europe, aussi bien à ses abords qu’à l’intérieur d’espaces devenus trop petits malgré la verrière, rendait inéluctable une transformation, aussi bien du point de vue du gestionnaire Gares & Connexions que de la ville de Paris, dont la maire Anne Hidalgo soutient activement le projet.