Il venait juste d’être nommé par décret président du directoire de la Société du canal Seine-Nord. Marc Papinutti, 58 ans, n’aura donc pas le temps de commencer à creuser puisque selon nos informations, il dirigera le cabinet d’Elisabeth Borne, nommée mercredi dernier ministre de la Transition écologique chargée des Transports.
Marc Papinutti, diplômé de l’Ecole nationale des Travaux Publics, connaît très bien la machine de l’Etat et a fait toute sa carrière dans le domaine des transports. Conseiller technique au cabinet de Jean-Louis Borloo en 2007, il fut directeur des infrastructures au Ministère de 2008 à 2010, avant de prendre la direction de VNF (Voies Navigables de France) jusqu’à ces dernières semaines. Auparavant il travailla à la direction des transports ferroviaires (2001), fut sous-directeur des transports par voies navigables (2003) et chargé de la sous-direction des infrastructures de transports ferroviaires et collectifs (2005). Bref, il connaît toutes les arcanes du ministère, ce qui peut se révéler précieux dès les prochaines semaines – le président Macron a en effet promis de réduire l’influence des cabinets au profit d’une meilleure connexion entre le ministre et son administration. Sa simplicité dans les relations humaines, agrémentée d’un sens aiguisé de l’humour, et son indépendance d’esprit lui valent d’être très largement apprécié parmi les décideurs du transport.
Pour la RATP, il y a déjà du monde au portillon
La liste des noms qui circulent pour succéder à Elisabeth Borne à la présidence de la RATP commence à être aussi longue – ou presque – que celle des confidents présumés du président Macron. Le processus reste dans un premier temps assez secret, puisque la première étape consiste à ce que le président de la République propose un nom soumis aux auditions des deux Assemblées. Vu le calendrier électoral, il est probable que lesdites auditions soient repoussées au début du mois de juillet. D’ici là, il reste du temps pour que s’impose un homme ou une femme, à un poste qui requiert compétence, sens du dialogue et de l’anticipation. La concurrence, ou plutôt les concurrences, d’abord en Ile-de-France, mais aussi sur les marchés étrangers, en province, dans le ferroviaire et avec les nouveaux acteurs de la mobilité, constituent en effet un élément majeur d’évolution du contexte pour la RATP et ses filiales.
Venons-en aux premiers noms… Un politique en mal de recasage (Benoist Apparu, ex-ministre du Logement sous Nicolas Sarkozy, ex-porte-parole d’Alain Juppé et François Fillon); un banquier, forcément ami d’Alain Minc (Bruno Angles, président France du Crédit suisse, polytechnicien, administrateur de la RATP depuis 2016); Sophie Mougard, en réserve de la République, au CGEDD depuis son départ de la direction générale du Stif il y a un an; Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris, très vite entré en Macronie l’année dernière, qui en a fini avec toutes les étapes préalables aux chantiers de construction des lignes du Grand Paris Express; plusieurs cadres dirigeants de la SNCF, qui ont envie de changer d’air; Véronique Hamayon, ancienne secrétaire générale du Stif, ex-dircab d’Alain Vidalies, aujourd’hui à la Cour des comptes. Et peut-être un (ou plusieurs) cadres RATP, si d’aventure le recrutement était complètement ouvert.
Cette nomination sera observée à la loupe, pour deux raisons:
- elle sera la première du président Macron pour une entreprise publique. Voudra-t-il montrer qu’il privilégie la compétence et l’adéquation au poste, à l’instar de la nomination de plusieurs ministres en raison de leur parcours professionnel? Résistera-t-il à renvoyer des ascenseurs? La RATP n’a pas de temps à perdre vu les échéances qui l’attendent.
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le départ précipité d’Elisabeth Borne l’oblige d’une certaine façon à soigner sa succession. Son avis, comme présidente sortante et comme ministre compétente, sera probablement déterminant.
En attendant, la situation est pour le moins inédite, celle d’une présidente qui quitte en quelques heures son entreprise pour aller diriger sa tutelle. A tout le moins l’Etat doit montrer aux salariés et aux cadres du groupe qu’il s’agissait de l’intérêt supérieur de l’Etat, et qu’il entend bien respecter l’identité de l’entreprise publique.
Dans l’immédiat, c’est au conseil d’administration ordinaire de mercredi prochain qu’il appartiendra de désigner un président intérimaire. Alain Le Duc, directeur financier respecté et homme d’expérience, a déjà rempli cette fonction lors de la précédente transition.