18/19 – Dimanche 11 août, un Anglais sur la ligne 6 du métro parisien
C’était top, c’était trop
Quelle quinzaine! Des exploits sportifs, des ambiances populaires, des images sublimes de Paris et Tahiti, la tribune enfiévrée du Grand Palais et la rue Lepic en folie. Que demander de plus au cœur d’un été aussi chaud bouillant? C’était vraiment top. Le choix de magnifier les Jeux par leur immersion dans la Ville est gagnant.
Que demander de plus? Justement, de ne point trop en faire au risque de transformer cette belle histoire en bulle prétentieuse, et de se ramasser une sacrée gueule de bois. Le concept de parenthèse enchantée nous pose problème: la réussite des JO 2024 est celle d’un pays et de ses habitants, elle n’est ni confiscable par les organisateurs ni déconnectée de ce pays réel que d’irresponsables leaders politiques et chaînes de télévision essaient de transformer en ring de boxe permanent.
Si les Français furent au top de l’enthousiasme, est-ce parce que les éternels ronchons ont perdu la partie, ou est-ce tout simplement parce que les Français avaient envie de légèreté et ont rejeté brutalement les images projetées qu’on leur propose depuis tant d’années? D’un côté les nostalgies nauséabondes, de l’autre les incantations répétées à l’adaptation et à l’effort: cet été 2024 a tout emporté.
Le discours 100% politique du président de Paris 2024 Tony Estanguet, lors de la cérémonie de clôture, nous est apparu assez gonflé. Il rivalise avec Alain Delon… 100% d’autosatisfaction, quand les lauriers de la réussite devraient être a minima distribués à toutes celles et tous ceux qui par leurs décisions (les politiques) et leur disponibilité (les fonctionnaires, les salariés, les volontaires) y ont largement contribué. Même le président Emmanuel Macron semble touché par l’humilité, ce matin chez nos confrères de l’Equipe… Il a fallu que Thomas Bach, le président du CIO, se colle lui-même à d’indispensables remerciements. C’est quand même plus facile de bien faire quand vous avez à votre disposition un très gros budget, les moyens de la République et les monuments de la France.
Un peu de modestie serait bienvenue, celle que les vrais responsables publics ont d’ailleurs plutôt bien respectée jusqu’à ce matin.
On y rajoutera un peu de cohérence. Le 26 juillet, la très belle cérémonie d’ouverture célébrait l’inclusion, de façon parfois trop appuyée, mais après tout, c’est une fonction de l’art que d’être transgressif; dix jours plus tard, les juges du Break disqualifient une athlète afghane qui affiche un slogan «Libérez les femmes afghanes». Message politique? Non, la même valeur d’égalité que celle affichée dans les tableaux de Thomas Jolly.
Il faudra aussi reparler des choix de billetterie et de tarification, qui ont contribué à alimenter en amont le risque d’une compétition pour happy few, des excès juridiques de Paris 2024, de quelques exagérations nationalistes et des commentaires sur France Télévisions. «C’est décidé, on aura les Jeux de 2030», s’est exclamé chaque jour ou presque à l’antenne Alexandre Boyon. C’est factuellement faux: il appartiendra au prochain gouvernement d’accorder ou non la conséquente garantie d’Etat réclamée par le CIO. A-t-on encore le droit de douter de l’opportunité de Jeux Olympiques d’Hiver dans des Alpes en surchauffe?
Allez, un peu d’eau fraîche fera du bien à quelques coucourdes elles-mêmes logiquement échauffées après quinze belles journées de sport et de partage. Car il va bien falloir se poser très vite la question du quotidien. L’exploit JO ne suffit pas.
Les autorités publiques, les collectivités territoriales, les gestionnaires d’infrastructures et les opérateurs de transport ne sont pas devenus miraculeusement du jour au lendemain des cadors à même d’assurer et de rassurer touristes et spectateurs mêlés. Mobilettre va succomber à un peu d’autosatisfaction: depuis un an nous écrivions et répétions, à l’intention des très nombreux sceptiques, que les professionnels des transports seraient au rendez-vous des JO. Leur compétence a enfin sauté aux yeux de tous. Grâce au choix 100% transport collectif, tant de spectateurs y compris parisiens et franciliens ont découvert les RER et les métros qui fonctionnent… Il serait donc bienvenu d’interroger sérieusement les moyens et la culture de la performance au quotidien, afin de ne pas alimenter brutalement dans quelques semaines la machine à désenchantement.
19/19 – Sur un quai de la gare du Nord
Voilà, c’est fini
Nous avons eu grand plaisir à vous proposer chaque matin une photo commentée de cette Olympiade emballante. C’était notre modeste défi, de suivre à la fois le on et le off, sans être embarqués dans des opérations de communication officielle. On aurait aimé insister encore davantage sur les métiers de l’ombre, au site de Paris Aulnay pour les bus par exemple, ou dans un centre de maintenance des RER.
Un grand merci à Moctar Kane pour ses itinéraires photographiques.
Sauf urgence éditoriale (un nouveau gouvernement, peut-être?), nous vous retrouvons avec joie début septembre pour la suite! Mobilettre
Photos: Moctar Kane pour Mobilettre