SNCF Réseau: Lallemand s’en va, Chabanel revient
Selon nos informations un conseil d’administration du gestionnaire d’infrastructures se réunira demain mercredi. L’Etat proposera la nomination au poste de PDG de Matthieu Chabanel, en remplacement de Luc Lallemand.
Luc Lallemand et Matthieu Chabanel (Photo:Aurore Baron/SNCF)
C‘est le titre d’un film de Claude Lelouch: «Partir revenir». Moins de trois mois après son départ, le fils prodigue de SNCF Réseau Matthieu Chabanel revient à la maison pour remplacer celui qu’il a fidèlement servi deux ans durant, Luc Lallemand. Scénario improbable? Pas vraiment. Lors du dernier CSE qu’il a présidé, les élus de l’Unsa lui avaient lancé une adresse prémonitoire: «Nous formons le vœu que l’Etat saura voir en vous le futur patron de la SA Réseau » […] Nous ne vous disons pas adieu mais simplement au revoir, et bon stage de décompression à La Poste… Revenez-nous en bonne forme»
La trajectoire suivie avec obstination par Luc Lallemand divergeait avec les nouveaux intérêts de l’Etat
Quoi qu’il en soit, pour qu’il revienne encore fallait-il que Luc Lallemand s’en aille. Et pour le coup, ce n’est pas un coup de théâtre, tellement la trajectoire suivie avec obstination par ce dernier divergeait avec les nouveaux intérêts de l’Etat. On résume: Luc Lallemand se conformait strictement à la lettre de la loi de 2018 et à ses conditions d’application, à savoir le retour au cash flow positif de SNCF Réseau en 2024. Plus question d’avancer de l’argent aux financeurs publics ni même d’engager des projets pourtant promis, mais désormais jugés dispendieux. Du coup, c’est la crise avec les autorités organisatrices, et notamment IDFM (Ile-de-France Mobilités) – son audition du 13 septembre devant les élus était édifiante d’un dialogue devenu impossible. Problème: le gouvernement au début du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron et vu le contexte politique ne peut se permettre une telle tension. Têtu comme un belge – l’expression vient de lui-même -, Luc Lallemand n’a pas voulu se dédire. Renouer sans renier? L’exercice, que tant de serviteurs d’un Etat versatile ont intégré dès le berceau de leurs formations administratives, lui semblait impossible, ou tardif. Son départ était devenu inéluctable, et il le savait.
Matthieu Chabanel, arrivé pour la première fois à Réseau en 2012, hérite d’une situation assainie si l’on envisage les seuls comptes de l’entreprise. D’un point de vue managérial et industriel, c’est plus compliqué. Les réorganisations successives, avec abus de consultants aux performances très inégales, et certains managements parfois brutaux ont fragilisé les équipes. Les nouveaux outils de pilotage financier ont souvent mis des responsables en porte-à-faux vis-à-vis des partenaires publics et des industriels privés. Le futur PDG devra donc rasséréner en interne et en externe, tout en continuant de faire progresser l’entreprise en matière d’organisation, de process industriels, de coûts et de digitalisation. Mais il ne faudrait pas que l’Etat exige de lui de nouveaux gains de productivité masqués pour compenser son adaptation stratégique…
L’hypothèse d’une loi de programmation pluri-annuelle pourrait constituer une feuille de route alternative au restrictif contrat de performance, bien loin d’assurer le développement du mode ferroviaire dans le cadre de la décarbonation des mobilités. Dans l’immédiat, le déblocage d’Eole voire Nexteo est attendu en Ile-de-France.
Il en est un, enfin, Jean-Pierre Farandou, qui doit être soulagé d’une telle décision – car formellement, c’est l’Etat qui dispose en matière de gouvernance à la tête de la SA SNCF Réseau, contrairement aux autres SA du groupe. Soucieux d’avoir de bonnes relations avec les autorités organisatrices, et notamment IDFM à la veille de l’ouverture des marchés ferroviaire franciliens, le PDG de la SNCF n’avait guère goûté «l’improvisation» de Luc Lallemand sur Nexteo en juillet. L’intransigeance du patron de Réseaud ne cadrait plus avec les consignes venues de Matignon, fussent-elles plus que jamais éminemment contradictoires. G. D.