MobiAlerte 98 – 18 octobre 2022

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RATP : l’hypothèse Castex

Emmanuel Macron envisage de nommer son ancien Premier ministre à la tête de la RATP. Un scénario qui pose questions

On en déduit qu’il a fini de repeindre ses volets avant l’hiver. Jean Castex, tout juste recasé, entre autres, à la tête de l’Afitf, aurait été sollicité par Emmanuel Macron pour remettre un peu d’ordre dans la maison RATP, orpheline de sa PDG Catherine Guillouard, démissionnaire, et de son numéro deux, Philippe Martin, parti en retraite le 30 septembre dernier. L’entrevue entre les deux hommes a eu lieu ce week-end, et selon plusieurs sources concordantes, elle se serait achevée sur un scénario de nomination – l’ancien Premier ministre aurait évoqué sa préférence pour la SNCF, mais le poste n’est pas vacant…

En tant que Premier ministre, Jean Castex a rendu plusieurs arbitrages relatifs au contexte institutionnel dans lequel la RATP va évoluer

Pour autant, cette nomination devrait s’inscrire dans les lois de la République. Et sur le papier, ce n’est guère évident. En tant que Premier ministre, Jean Castex a rendu plusieurs arbitrages relatifs au contexte institutionnel dans lequel la RATP va évoluer, notamment lors de la définition du cadre social territorial en Ile-de-France, tout juste arrêté avant l’élection présidentielle, ou sur la confirmation du monopole du GPSR (le service de sûreté maison de la RATP) sur les lignes du Grand Paris Express, prévu par la LOM. En outre, certains marchés attribués à RATP Dev à l’étranger ressortent de la diplomatie des affaires, à laquelle Matignon est de fait associée.

Il paraîtrait logique qu’un homme politique soit redevable de son parcours, en matière de déontologie, comme le sont les hauts fonctionnaires que l’on oblige régulièrement à des purgatoires de trois ans, même si faute de signatures ou de documents dûment tamponnés prouvant une tutelle effective ou des arbitrages à des fins commerciales, la HATVP (Haute autorité de transparence de la vie publique) a parfois tendance à se montrer indulgente avec les conseillers ministériels et les ministres… On verra bien.

Outre cette lourde hypothèque relative à la présomption de conflit d’intérêt, la mise sur orbite de Jean Castex ressortirait d’une pratique dérogatoire au processus de recrutement mis en place par l’APE (Agence des participations de l’Etat) depuis un mois, à savoir l’audition par le cabinet Jouve & Associés des nombreux candidats et candidates à la succession de Catherine Guillouard – une short list était sur le point d’être arrêtée. Dit plus simplement, ce fait du Prince de l’Elysée ridiculise les promesses initiales du candidat Macron en 2017, à savoir procéder aux recrutements des patrons d’entreprises publiques via des processus ouverts. Que diront les candidat-e-s qui défilent depuis des semaines devant les dirigeantes de Jouve & Associés ? Coiffés au poteau par le poto du Président, est-ce une consolation?

Il serait pourtant intéressant d’entendre Jean Castex présenter en audition sa pratique managériale d’une grande entreprise, ou accepter le verdict des ingénieurs en matière de délai de réalisation des grands projets (rappelons que Thierry Dallard, ex-président de la Société du Grand Paris, a payé cher de n’avoir pas cédé aux injonctions du délégué interministériel aux Jeux Olympiques, qui s’appelait… Jean Castex). Etre Premier ministre c’est une chose, éminemment respectable, diriger une grande entreprise en est une autre…

Malgré tout, même si tout ça fleure bon le recasage des «vieux grognards» du premier quinquennat Macron, l’hypothèse Castex quai de la Râpée atteste à la fois d’une certaine considération accordée à une entreprise de transport public (il était temps !), et, plus sûrement, d’une réelle inquiétude du Président et du gouvernement quant à l’ambiance sociale à la RATP, a fortiori à moins de deux ans des Jeux Olympiques. La nomination d’un ancien Premier ministre recèlerait donc une forme de reprise en main de l’entreprise par l’Etat, qui pose pourtant doublement problème:

Les syndicats auront-ils le réflexe de voir en leur nouveau PDG la main directe de l’Etat, qui romprait ainsi la mise à distance permise par l’autonomie des entreprises publiques?

Quid de l’avenir des relations avec l’AO Ile-de-France Mobilités, dirigée par Valérie Pécresse ? De fait, et Elisabeth Borne s’en souvient encore, il revient au PDG de la RATP de s’incliner devant la présidente et le directeur général d’IDFM…

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans la politique générale des transports en Ile-de-France, c’est une évidence à constater l’accumulation des problèmes (financement, attractivité des métiers, régularité des circulations etc). On comprend l’inquiétude de l’Etat devant la situation et le risque social, mais la reprise en mains via un ex-Premier ministre ne vaut pas une stratégie générale, enfin durable et partagée. Plus que jamais le Président de la République improvise, au gré des événements. G. D.

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