Mobitelex 165 – 23 novembre 2016

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Mobitélex. L'information transport

La lettre confidentielle de Mobilettre

Budget 2017 de SNCF Réseau: en attendant le contrat de performance…

Il y a un an l’Arafer avait refusé de donner son avis sur le budget 2016 de SNCF Réseau, n’étant pas en mesure de vérifier le respect de la trajectoire financière du gestionnaire d’infrastructure en l’absence du contrat de performance Etat-SNCF Réseau, un an et demi après le vote de la loi de réforme ferroviaire.

Cela fait maintenant deux ans et demi et, comme l’arlésienne, le contrat de performance se fait toujours attendre au point que les administrateurs salariés de SNCF Réseau ont décidé de mettre leur poids dans la balance. Pour se prononcer sur le projet de budget 2017, ils demandaient autre chose qu’une version littéraire du contrat de performance. En clair, des chiffres. On leur a lâché quelques miettes: ni suffisant ni certain, ont-ils estimé. Ils en ont donc tiré les conséquences et lors du dernier conseil d’administration, n’ont pas pris part au vote sur le projet de budget 2017. Il faudra revenir avec une meilleure copie.

Et à SNCF Mobilités ce n’est pas mieux: le contrat de performance étant, lui, encore moins avancé, le conseil d’administration qui devait examiner le budget a purement et simplement été reporté. Par la crainte d’une réaction identique des administrateurs salariés ?

Selon nos informations, la mise au point du contrat de performance Etat-SNCF Réseau achoppe sur deux écueils: l’évaluation du coût complet et l’estimation de la dette du gestionnaire d’infrastructures. Sur ce dernier point, les calculs du gestionnaire d’infrastructures et ceux de Bercy divergeraient d’une dizaine de milliards – alors même que l’exercice paraît des plus simples: additionner les sommes prévues dans les programmes d’investissements mis en œuvre…

Le rapporteur budgétaire se désole lui aussi…

Les organisations syndicales ne sont pas les seules à s’inquiéter de cette course de lenteur. Le rapporteur spécial du budget transport du projet de loi de finances pour 2017, Olivier Faure, déplore lui aussi dans son rapport que le contrat de performance n’ait toujours pas été signé et que le décret de mise en œuvre de la «règle d’or», actuellement examiné par le Conseil d’Etat, n’ait toujours pas été publié. Prenant acte du fait que le gouvernement a exclu toute reprise de la dette de SNCF Réseau, il demande en revanche le respect de la loi de réforme ferroviaire de 2014, à savoir «la publication rapide du décret règle d’or ainsi que la signature imminente du contrat de performance qui devrait structurer la trajectoire financière du gestionnaire d’infrastructure.» La pression monte, mais il est probable désormais que l’adoption du contrat de performance par le conseil d’administration de SNCF Réseau interviendra fin décembre.

Transdev: six mois après…

Le 1er décembre prochain Clément de Villepin, actuel DRH de Suez Environnement, sera officiellement intronisé DRH de Transdev. Dix jours plus tard, le 12 décembre, Antoine Colas, directeur du département développement, filiales et participations de la Caisse des Dépôts et actuel administrateur de Transdev, prendra ses fonctions de secrétaire général. Il a donc fallu près de six mois pour que soit réglée la succession de Jérôme Nanty, dont le départ à Air France avec Jean-Marc Janaillac était donné très probable depuis le mois de mai.

Six mois, c’est long pour une entreprise en situation de concurrence, qui en cet automne accumule les déconvenues: défaites à Vannes, Bayonne (lire ci-dessous) et Manchester, contre une victoire en Artois-Gohelle (le réseau Tadao de Lens, Béthune etc). Mais l’immersion et le tour du monde de son PDG Thierry Mallet arrivent à leur terme: on en saura un peu plus prochainement sur ses orientations stratégiques et managériales pour Transdev.


A Bayonne, Keolis en terre de conquête

C’est une première au Pays basque. Cela faisait seize ans que le réseau de l’agglomération de Bayonne (STAB, devenu Chronoplus en 2009) était exploité par Veolia ou Transdev. Mais la nouvelle DSP, qui débutera dès le mois d’avril 2017, devrait être attribuée officiellement à Keolis le 1er décembre prochain, à l’expiration du délai de recours légal. Un défi de taille pour la filiale de la SNCF, qui au-delà du passage de relais, devra surfer entre une recomposition institutionnelle imminente (janvier 2017) et la mise en œuvre d’un projet de BHNS qui patine depuis 2009.

Le groupe n’était quasiment pas présent en Aquitaine, mis à part à Bordeaux, ou il avait raflé le réseau TBM à Veolia-Transdev en 2008 et en Gironde où il exploite quelques lignes interurbaines. C’est donc une aventure en terre inconnue pour Keolis, dans un sud-ouest habitué à l’opérateur Transdev depuis de très nombreuses années. Celui-ci exploitait le réseau urbain de l’agglomération de Bayonne (Chronoplus), mais aussi la principale ligne du Département des Pyrénées-Atlantiques, entre Hendaye et Bayonne, avec sa filiale interurbaine ATCRB. En 2012, il avait même réussi à prendre le réseau urbain de Mont-de-Marsan, jusqu’alors en régie (très à la mode dans les Landes emmanuellistes).

Le choix de Keolis peut d’autant plus surprendre qu’il y a quelques mois encore, la seconde agglomération littorale (Sud Pays Basque) composée d’une dizaine de communes dont Saint-Jean-de-Luz et Hendaye, venait de lancer un tout nouveau réseau urbain. Baptisé Hegobus, ce dernier avait aussi été gagné par Transdev après une rude bataille avec Keolis ainsi qu’un opérateur local du groupement Réunir (le Basque Bondissant). Dans un contexte de création d’une collectivité unique au 1er janvier prochain, regroupant les actuelles agglomérations de Bayonne (Acba, agglomération côte basque Adour) et du Sud Pays Basque, beaucoup pensaient que les élus auraient jugé plus simple de choisir le même opérateur pour les deux agglomérations… mais encore aurait-il fallu le justifier.

Mais c’est donc bien Keolis qui a été choisi pour exploiter Chronoplus au sein de l’Acba. Durée du contrat: presque 7 ans (6 ans et 9 mois exactement), pour un montant global de 172 millions d’euros. Si l’exploitation de ce réseau de province plutôt classique ne devrait pas faire peur au leader français, c’est à une configuration politique particulière qu’il devra faire face. Comment les deux agglomérations vont-elles gérer leur fusion au sein d’une collectivité unique, avec deux opérateurs différents? Comment la gouvernance des transports urbains va t-elle évoluer avec un EPCI qui passe de 5+12 à 158 communes? Et surtout, comment le projet de BHNS (dit «Tram’bus») va-t-il voir le jour après d’incessants cafouillages depuis 2009 et les premiers coups de pioche?

Avec un budget de près de 25 millions d’euros par an, uniquement pour la DSP, et 130 millions qui devraient être investis sur le projet de «Tram’bus», le nouvel exploitant va devoir user de tous ses talents pour faire décoller les 4% de part modale qui collent à la peau du réseau depuis des années. Le matériel roulant électrique prévu dans le cadre du bus à haut niveau de service et l’amélioration qualitative des espaces publics contribueront peut-être à lui faciliter la tâche.


Les chemins de fer suisses font du porte à porte… premium

La SNCF en a parlé, les Chemins de Fer Suisses l’ont fait… Green Class CFF, c’est le nom d’une formule magique qui pourrait être un avant-goût de ce que concoctent les grands opérateurs de transports. Il s’agit d’un abonnement annuel très multimodal, dont le but est de couvrir tous les besoins de déplacements en Suisse. Il comporte:

  • un accès en 1ère classe libre parcours dans les trains des CFF (et de la plupart des autres entreprises ferroviaires suisses),
  • la mise à disposition d’une voiture BMW i3, 100% électrique (assurance, borne de recharge, pneus et cours de conduite inclus),
  • une carte annuelle P+Rail (donnant à accès à un Parking Relais + Rail CFF à proximité de son domicile),
  • un abonnement Mobility Carsharing (permettant d’utiliser presque 3000 voitures partagées et incluant un crédit de 100 francs suisses),
  • un abonnement annuel à PubliBike (donnant accès à 900 vélos et vélos électriques).
  • Le seul bémol, c’est le nombre de Green Class distribuées: l’offre est pour le moment réservée à 100 «pionniers» sélectionnés par les CFF… ou devrait-on dire «était réservée» car les heureux propriétaires de cette carte magique ont déjà été choisis. Néanmoins, si cette offre haut de gamme venait à être étendue, elle ne serait pas accessible à toutes les bourses. Les 12200 francs suisses annuels (environ 950 € par mois) donnent accès à une palette de service très impressionnante mais représentent un budget mensuel conséquent.


    Les opérateurs de mobilité mettent la gomme sur les jeunes…

    Les jeunes publics se désengagent de plus en plus de la possession automobile, notamment dans les métropoles. Ils adopteraient progressivement un comportement totalement multimodal, aidés par les nombreuses applications gratuites mises à leur disposition. Ce constat, de plus en plus diffusé dans les médias, est logiquement arrivé à l’oreille des géants de la mobilité.

    Le premier à réagir n’est autre que le quatrième groupe automobile mondial, Nissan. Le géant japonais serait sur le point de sortir une offre de véhicule partagé, qu’il annonce très sobrement comme «le premier service de colocation automobile en France». Le principe? La possibilité de posséder une voiture et d’en partager les coûts fixes avec un groupe de 3 à 5 personnes. L’offre, baptisée Get&Go, serait disponible dès 2017 avec le lancement de la nouvelle citadine de la marque.

    Si le dispositif opérationnel reste pour le moment assez flou, l’initiative mérite d’être soulignée… tout comme celle d’un autre opérateur de mobilité, la SNCF. Celle-ci met en vente depuis la rentrée, dans un grand nombre de métropoles, un «forfait étudiant»: pour environ 70€ annuels, il propose un pack incluant une carte jeune SNCF, des titres de transports urbains, un accès aux vélos en libre service, et des réductions sur IdVroom (covoiturage) et Ouibus (autocars de longue distance). Une version plus onéreuse vient ajouter un abonnement annuel au réseau urbain (elle coûte par exemple 154€ à Toulouse). Cette initiative, tout comme celle de Nissan, montrent comment les acteurs de la mobilité misent de plus en plus sur le potentiel de clientèle des jeunes publics, à la recherche d’une mobilité «facile».


    Etats-Unis: des référendums et des milliards
    pour les transports

    Le 8 novembre, les Américains n’ont pas seulement élu Donald Trump à la tête de leur pays. Ils ont aussi en cet «Election Day» exercé leur droit de vote sur de nombreux sujets et fonctions (membres du Congrès, gouverneurs, juges, shérifs…). Pas moins de 160 référendums étaient organisés cette année dans plus de 70% des États. Ces référendums, étatiques ou locaux, portaient souvent sur des questions cruciales. Et cette année, lors de ce «November Ballot», une thématique a battu tous les records : celle des transports.

    Dans son éditorial du 29 octobre dernier, le New York Times annonçait un possible record: «This could be a record year for transportation ballot proposals. There will be about 45 ballot proposals across the country that could raise nearly $200 billion for transportation improvements». On ne rêve pas: ce sont bien 200 milliards de dollars pour financer des projets de transports qui étaient proposés au vote des électeurs du pays (23 Etats), par referendums. Une capacité de financement majoritairement issue de taxes prélevées par les autorités locales.

    Ce fut un succès… Quelques jours après les résultats, certains chiffres impressionnent: le vote à Los Angeles assure le financement de 120 milliards de dollars de projets de transports sur 40 ans (2,4 milliards uniquement sur le vélo et les piétons). Cela en fait de loin le plus important budget alloué au développement des transports. Grâce également à un vote favorable, la «Sound Transit», l’autorité organisatrice de Seattle, mise sur 54 milliards, majoritairement orientés vers le développement du ferroviaire. La Central Ohio Transportation Authority (Columbus) flèche quant à elle sur 6,5 milliards de dollars sur 10 ans… Au total, selon l’APTA (American Public Transport Association), le taux de réussite des referendums aurait été de 69% cette année (34 des 49 votes ont été favorables), un signe très encourageant.

    Pour le cabinet Jarrett Walker, spécialiste des questions de transports aux Etats-Unis (son fondateur est l’auteur du best seller «Human Transit», sorti en 2011), ce dispositif de vote et de financement est primordial, notamment au vu des évolutions observées depuis plusieurs années dans le pays. En effet, au cours du 20ème siècle, le gouvernement fédéral a investi massivement dans les transports, mais majoritairement dans les routes (U.S. highways, Interstate highways). Suite à l’importante faillite des systèmes de bus privés, dans les années 70, certaines dépenses fédérales ont été orientées vers le financement des systèmes locaux de transport en commun… mais ont été constamment contestées. Cela est dû entre autres à la structure du système électoral américain, qui privilégie les intérêts ruraux et périurbains, et à des Etats (intermédiaires financiers avec l’argent fédéral) qui ont tendance à favoriser la mobilité de grande distance. Voila pourquoi, en milieu urbain, les autorités locales et régionales se sont retrouvées obligées de créer des mécanismes de financement local pour le transport en commun, à travers des «collectivités spéciales». Elles ont aussi pu faire le choix de solliciter directement leur population via des referendums pour disposer d’un pouvoir d’imposition, sans créer de collectivité spéciale.

    Cette dynamique peut être compliquée à court terme pour les opérateurs. Habitués au financement fédéral, ils devront apprendre à travailler avec de nouvelles autorités locales. C’est difficile aussi pour les élus locaux ou régionaux, qui doivent promouvoir et défendre de nouveaux pouvoirs d’imposition. Mais selon Jarrett Walker, ce «contrôle» local ou régional sur l’investissement serait plutôt positif à long terme, car cela limite le pouvoir du gouvernement fédéral. Celui-ci ne peut plus intervenir sur le financement obtenu au niveau local ou régional. Les projets ainsi payés sont conçus dans l’intérêt de la municipalité ou la région qui les financent, et non pas pour répondre à une quelconque exigence politique ou réglementaire fédérale. L’échelon local prendrait donc davantage le contrôle des investissements de proximité, pour pallier les défaillances d’un Etat fédéral concentré sur la longue distance.


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