Mobitelex 175 – 2 mars 2017

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Mobitélex. L'information transport

La lettre confidentielle de Mobilettre


EXCLUSIF

Ile-de-France: soupçons d’entente sur les marchés de travaux du T9

Le chef du bureau de la procédure de l’Autorité de la concurrence vient de recevoir une lettre du directeur général du Stif qui ne devrait pas manquer d’attiser son intérêt. Laurent Probst explique en effet qu’il va demander à la Commission d’appel d’offres du Stif «de déclarer inacceptables l’ensemble des offres sur la totalité des lots [du marché public de travaux du T9, entre Paris et Orly-Ville]». Selon nos informations, réunie en début d’après-midi ce jeudi 2 mars, ladite commission a suivi son directeur général et décidé de relancer une nouvelle procédure pour perdre le moins temps possible dans la réalisation de la nouvelle infrastructure.

Selon nos informations, sur les quatre lots du marché (au total quelque 200 millions d’euros, quand même…), les offres déposées seraient supérieures d’environ 24% à l’estimation de la maîtrise d’œuvre. Plus ennuyeux, l’ouverture des plis montre que les quatre groupements qui ont répondu sont chacun mieux-disants sur l’une des quatre offres. A chacun son marché…

Soit le hasard fait très bien les choses et sur les prix le maître d’œuvre a cafouillé; mais le Stif considère que son mandataire Transamo s’est appuyé sur des marchés similaires pour fixer son estimation. Soit…

Comme on dit volontiers dans le secteur des travaux publics, «c’est pas parce que l’on a interdiction de s’entendre qu’on n’a pas le droit de s’écouter»…

Les entreprises ont-elles voulu tester la vigilance du nouveau Stif? La forte tension sur les marchés franciliens, avec les travaux du Grand Paris Express, incite-t-elle les entreprises à relever leurs prix? Cette dernière hypothèse nous apparaît possible, au vu de l’importance des premiers marchés attribués par la SGP. Mais si elle était le résultat d’une entente et couplée à une répartition préalable des lots, alors l’explication économique ne serait plus que le paravent d’un délit.


Contrat de performance Etat-SNCF Réseau:
la signature apparaît problématique

Annoncé en décembre dernier, le contrat de performance entre l’Etat et SNCF Réseau doit recevoir un avis du régulateur avant d’être officiellement signé par le Premier ministre. Problème: l’Arafer vient d’annoncer qu’elle rendra son avis le 29 mars. Certes, c’est moins pire que l’absence d’avis qui aurait bloqué tout le processus, mais cela risque de faire court pour obtenir une signature avant l’élection présidentielle. Car il faudra au préalable réunir les commissions ad hoc du Parlement pour examiner, au moins formellement, les remarques et suggestions formulées. Et il est probable que députés et sénateurs auront en tête quelques autres priorités.

Ce délicat calendrier ne va pas manquer d’attiser les tensions entre l’Arafer et la Dgitm, qui tient beaucoup à ce contrat, sous le regard attentif de Bercy qui continue à renâcler contre tout engagement pluriannuel. Une chose est sûre, l’absence de signature pénaliserait fortement SNCF Réseau qui entend s’appuyer sur les engagements de l’Etat pour donner au plus vite de la visibilité et des assurances à la filière industrielle de l’infrastructure ferroviaire.


SEA: un tournant ou une exception?

L’inauguration de la LGV SEA (Sud-Europe Atlantique), mardi 28 février, était inédite. Elle révèle aussi quelques tensions.

Passons sur l’ambiance ball-trap. La maladresse d’un tireur d’élite a distrait la fin du discours du président de la République et accaparé l’attention des médias audiovisuels, finalement tout contents de n’avoir pas à plonger dans les complexités ferroviaires. Car l’inauguration de la LGV SEA, au cœur de la Charente, dans une charmante bourgade du nom de Villognon, était une première un peu déconcertante par rapport aux habituels shows de la SNCF. Pas de voyageurs, pas de spectacle, pas de glorification commerciale: les vedettes du spectacle, à Villognon, c’était l’infrastructure, le ballast, la concession, les budgets.

D’ailleurs SNCF Mobilités n’était pas là. Guillaume Pepy en Australie, Florence Parly et Rachel Picard absentes… Frédéric Saint-Geours, Frédéric Delorme et Mathias Vicherat représentaient le groupe ferroviaire. A chacun sa fête? A chacun sa bouderie, plutôt: SNCF Mobilités n’a toujours pas digéré de s’être fait forcer la main sur le niveau des dessertes. Fêter, dans ces conditions, une telle infrastructure pour laquelle Mobilités vient de provisionner 90 millions d’euros de pertes, ça n’a pas de sens… Guillaume Pepy regrette-t-il aujourd’hui de ne pas avoir renversé la table avant l’arrivée de Ségolène Royal à la tête du ministère?

Une infrastructure à 8,2 milliards avec les raccordements vaut bien un hommage spécifique à ses travailleurs

Une telle attitude du futur opérateur de la ligne n’est pas anodine. D’abord parce que ce sont les voyageurs qui décideront du succès de la ligne. Les prévisions, initialement prudentes, de la SNCF se vérifieront-elles? Les prix pratiqués, très prochainement dévoilés, seront un élément décisif de l’attractivité de l’offre. Ensuite parce qu’une infrastructure à 8,2 milliards avec les raccordements vaut bien un hommage spécifique à ses travailleurs. Un ouvrier ou un cadre de Vinci valent bien un cheminot de la SNCF. Enfin, le PPP attribué à Lisea-Vinci est une décision d’Etat, actionnaire de la SNCF. Que le futur opérateur, encore monopolistique pour quelques années, boude une cérémonie en présence du président de la République…

En réalité, c’est bien l’irruption d’un concessionnaire d’un nouveau genre qui dérange. Tant que le privé travaille sous maîtrise d’ouvrage SNCF, tout va bien. Mais là… Lisea bouscule l’ordonnancement des choses. Il a sans coup férir livré la ligne dans les temps (un mois d’avance) et dans les coûts – on se souvient encore de certaines LGV dont les dépassements en temps de réalisation et en coûts furent spectaculaires. Il s’apprête aussi à modifier la gestion de l’infrastructure en organisant la polyvalence des métiers: les salariés du centre de maintenance à Villognon pourront aussi aller effectuer des tâches sur le terrain. C’est une évolution qui peut amener un surcroît de productivité, mais aussi braquer quelques cheminots attachés à une stricte division du travail. Nul doute enfin qu’il encouragera Trenitalia et d’autres opérateurs à venir sur la liaison.

Patrick Jeantet a vanté les mérites d’une plus grande ouverture au privé des chantiers de l’infrastructure

Manifestement, ces éléments de changement ne posent pas de problème aux responsables de l’infrastructure. Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, a clairement vanté les bienfaits du partenariat entre le public et le privé, qui peut lui permettre au-delà de SEA de relever les défis de modernisation du réseau. Ne vient-il pas de confier le changement de la caténaire entre Austertlitz et Brétigny à des partenaires privés?

Il y a encore quelques mois, c’était haro sur les PPP, sur un modèle de financement logiquement sujet aux critiques étant donné les conditions de son bouclage financier. Mardi dernier, l’ambiance était logiquement plus calme. Qui peut contester aussi bien le professionnalisme de Lisea que les lacunes de financement public sur le long terme? Au moment de conclure Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, on verra si de telles postures persistent.


Résultats du groupe SNCF: après les difficultés,
l’heure des choix

825 millions d’euros d’économies et un résultat net positif, mais la plupart des activités en perte de chiffre d’affaires. Comment démêler le conjoncturel 2016 du plus structurel? Et quelle perspective tracer pour le groupe?

L’année 2016 fut difficile pour la SNCF. S’il n’y avait eu l’apport d’OHL, le chiffre d’affaires du groupe aurait baissé de 1,8%. Certes, les grèves du printemps, les conséquences des attentats ou les mauvaises récoltes céréalières sont de réelles explications aux mauvais chiffres hexagonaux. Et il est assez périlleux d’imaginer à coup sûr ce qu’auraient été les résultats sans ces événements contraires. Mais si l’on prend les activités ferroviaires une par une, au-delà de la conjoncture 2016 les tendances sont inquiétantes.

Le TGV? Sa marge opérationnelle a baissé de 3%. TER continue à subir les effets de la réduction des offres, mais aussi de sa perte d’attractivité par une qualité de service très insuffisante, selon les régions. Thalys et Eurostar décrochent. TET, avant le transfert d’une partie de ses lignes aux régions, souffre également malgré une certaine rénovation commerciale. Fret SNCF perd 13% de son chiffre d’affaires. Seul Gares & Connexions, grâce à une revalorisation de ses tarifs et à une bonne dynamique commerciale, tire son épingle du jeu, de même que Transilien, dopé par le tarif unique, la poursuite d’une augmentation raisonnée de l’offre et une politique managériale cohérente.

Le problème, c’est que les nouvelles mobilités et les filiales ne jouent pas leur rôle de locomotive de substitution en 2016. Le chiffre d’affaires de Keolis a légèrement régressé de 0,2%, celui de Geodis aussi (- 0,7%) à périmètre constant.

Les économies réalisées (825 millions d’euros au lieu de 750 millions au budget) et la légère amélioration des résultats des filiales sauvent les apparences: «La SNCF est dans le vert», titraient effectivement la plupart des médias. Mais ni les commissaires aux comptes, qui ne devraient pas manquer d’alerter sur la valeur des actifs, ni l’Etat, qui surveillent les amortissements et les provisions, ne peuvent se satisfaire de la situation.

Faut-il accélérer et amplifier le programme d’économies? Privilégier la rentabilité à tout prix des activités ferroviaires, quitte à replier les voilures? Donner à Geodis les moyens d’une croissance organique qui lui permette de rivaliser avec les grands logisticiens mondiaux? Soutenir davantage Keolis? Ou même vendre, comme en rêvent certains politiques, pour ne garder que la SNCF canal historique, centrée sur le ferroviaire et la France?

Le prochain président de la République et son ministre auront à décider d’une stratégie de long terme. Un statu quo de l’Etat, avec arrangements en tous genres et sans perspective sur la dette, la consistance du réseau ferroviaire, la concurrence ou l’avenir du statut des cheminots, serait la pire des nouvelles pour la SNCF.


NOUVELLES MOBILITES

Uber trébuche, Lyft en profite

Depuis quelques semaines, Uber enchaine les déconvenues aux Etats-Unis. Habituée des procès et des bras de fers avec les politiques et les taxis, la société essuie désormais la plus dure des critiques: celle de ses utilisateurs. Deux affaires viennent d’entacher sa réputation auprès des Américains. D’abord, les accusations de cautionner le décret anti-immigration pris par Donald Trump. Puis celles d’une ingénieure démissionnaire expliquant avoir été victime de harcèlement sexuel et dénonçant le sexisme au sein de l’entreprise. Les Américains, particulièrement touchés par ces deux scandales et en plein sursaut citoyen, ont lancé en réaction le hashtag #DeleteUber sur les réseaux sociaux. Un mot d’ordre qui en quelques jours a pris une ampleur considérable, faisant beaucoup de mal au géant du numérique.

Pendant ce temps-là, son principal concurrent, Lyft, a vu son application dépasser pour la première fois celle d’Uber en volume de téléchargements sur l’Apple Store US (+ 180% en quelques jours). Profitant de cet engouement, l’entreprise accélère son développement en ouvrant de nouvelles villes à une vitesse stupéfiante : déjà 94 depuis janvier, sur les 100 annoncées pour l’année 2017! Et pour couronner le tout, elle vient de débaucher Luc Vincent, créateur et actuel directeur de Google Street View, pour devenir vice-président de sa section d’ingénierie.

Pas besoin de se connaître pour covoiturer

«Je partage mon trajet car j’aime rencontrer des gens sympas». Ce message est très entendu par les candidats au covoiturage, plus particulièrement diffusé par la licorne française Blablacar. C’est politiquement correct diront certains, car en réalité, la motivation est souvent majoritairement pécuniaire. Ce qu’assume non sans humour Uber France, dans sa dernière campagne vidéo (réalisée par l’Agence Marcel) pour le service de partage de trajets «UberPool» *. Cette campagne, intitulée «pas besoin de se connaître pour aller dans la même direction», désacralise les codes du trajet partagé. Parfois, on a envie de téléphoner, même si cela gène son voisin; on n’a pas envie de parler à ce dernier, parce que tout simplement envie de dormir… Mais surtout, on n’a pas envie d’avoir à s’excuser d’être impoli ou rabat-joie!

Cette campagne, diffusée dès ce mois de mars, est à l’opposé du cadre feutré mis en avant pour les services Uber classiques, notamment «Berline». Une manière de montrer que désormais, son offre UberPool est un service à part entière, qui pourrait marcher sur les plates bandes des géants du covoiturage? Certains y voient déjà une pique du géant américain lancée au français Blablacar, bien aimé, toujours polissé et roi de l’économie collaborative!

* A Paris, les courses partagées UberPool représentent un tiers des trajets Uber (50% des trajets intra-banlieue). Les tarifs pratiqués sont attractifs, environ 30% moins chers que les Uber classiques.


RENDEZ-VOUS

La journée européenne du fret ferroviaire au SITL 2017

Comme chaque année Mobilettre participe à l’élaboration du programme de la Journée européenne du fret ferroviaire, organisée dans le cadre du SITL 2017, et en assure l’animation. Elle aura lieu le 15 mars prochain, en présence des grands acteurs du secteur (lire le programme). A noter que le ministre russe des Transports participera aux échanges sur les nouvelles routes internationales.

La transformation managériale dans la filière ferroviaire

Le 23 mars prochain, à 17h30, WeFer, l’association du cycle Moisson-Desroches de Fer de France, organise une table ronde sur le management dans le ferroviaire, en présence de Nicolas Jachiet, président de Fer de France et PDG d’Egis, avec Mobilettre comme partenaire et co-animateur.
Informations et inscriptions.


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