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La SNCF vers une refonte de ses marques voyageurs
Fini le TGV? C’est l’une des hypothèses étudiées dans le cadre d’une rationalisation des marques de SNCF Mobilités. L’annonce pourrait en être faite dès le mois de juin. Pour les marques des offres conventionnées (Trains d’équilibre du territoire, TER et Transilien), il faudra probablement plus de temps pour aboutir à d’éventuels changements.
C’est un projet top secret. Nom de code: Simone. Objectif: remettre à plat les appellations des offres voyageurs de SNCF Mobilités: TGV, TER, Intercités, Transilien. Il faut dire que pour la seule longue distance, entre TGV, Ouigo, idTGV (déjà sacrifié), Ouibus, Intercités et 100% Eco, l’anarchie menace. Cela fait d’ailleurs un moment que Guillaume Pepy a identifié le besoin de «ranger la chambre», ne serait-ce qu’entre le low cost et le premium.
Cette refonte pourrait prendre un certain temps, d’abord parce qu’elle doit s’intégrer à la réflexion plus globale du projet d’entreprise menée par Mathias Vicherat, directeur général adjoint, mais aussi parce que le process ne sera pas similaire selon les offres. Pour le BtoC (c’est-à-dire le TGV), la SNCF peut quasiment décider toute seule – la première question consistera à trancher: on garde le nom TGV ou on passe à autre chose? Pour le BtoB (TER et Intercités), le travail sera nécessairement à partager avec les autorités organisatrices, dont certaines se sont lancées dans une recherche parallèle de changement de marque (lire ci-dessous). L’option de ne rien changer est d’ailleurs toujours envisagée, notamment en Ile-de-France.
Difficile d’en savoir plus à ce stade, même s’il y a une accélération du processus en ce printemps. Mais on peut d’ores et déjà évaluer le fort impact stratégique, marketing et symbolique de(s) nouvelle(s) marque(s). On imagine notamment qu’un tel changement, au demeurant non négligeable en termes de coûts techniques, s’accompagnerait d’une offensive commerciale destinée à relancer l’attractivité d’une grande vitesse banalisée.
La région Ile-de-France aussi!
Cela fait quelques mois que Valérie Pécresse ne fait plus mystère que le nom «Stif» n’est pas à la hauteur des engagements régionaux en matière de mobilité: peu de notoriété auprès des Franciliens, quand l’appellation Syndicat ne trouble pas une bonne part de ces derniers… D’où une réflexion déjà bien engagée pour adopter une marque efficace et globale, qui s’appliquerait à l’ensemble des mobilités franciliennes. Mais sans qu’on sache encore vraiment quelle consistance elle aura: jusqu’à un changement de nom de l’AO elle-même, ou limitée à la création d’une marque voyageurs?
Ce choix qui selon nos informations est imminent, accompagnera la réforme des structures du Stif que nous avions annoncée le 15 février dernier (lire Mobitelex 173), et qui devrait être dévoilée au mois de juin. Logiquement, la nouvelle marque s’imposera aux opérateurs qui devront en assurer progressivement la diffusion.
La Normandie, engagée dans une réflexion globale sur ses mobilités, serait dans une démarche comparable: comment incarner par une marque ce qui s’impose de plus en plus pour les collectivités régionales comme l’enjeu majeur de leurs politiques?
MOUVEMENTS
Les innovations de Transkeo
50% des agents Transilien sont en demande de mobilité, et 40% des conducteurs d’Ile-de-France habitent en province… Pour Alain Krakovitch, directeur de Transilien, le défi que révèlent ces chiffres est immense et en grande partie managérial: améliorer les relations de proximité et rapprocher cadres et agents pourront peut-être contribuer à fidéliser des agents et à augmenter la performance en Ile-de-France.
C’est aussi à l’aune de ce constat qu’il faut évaluer l’innovation que constitue Transkeo, filiale commune à Keolis (51%) et SNCF (49%) qui exploitera à partir du premier juillet prochain le T11 entre Epinay et Le Bourget. 10,6 kilomètres en site protégé, sept gares, 15 rames, 60000 voyageurs/jour attendus, et la volonté de promouvoir une organisation du travail radicalement différente, marquée par la polyvalence métiers et un régime social proche de l’accord de branche.
Beaucoup d’encre a coulé sur la décision de ne pas inclure cette offre, qui circulera sur RFN (réseau ferré national), dans SNCF Transilien. «Dumping social!», s’émeuvent certains syndicats, dont Sud-Rail, inquiet de voir se développer aux marges du système des solutions hors statut SNCF. Les agents recrutés ne seront pas soumis à l’accord d’entreprise SNCF, mais à la convention collective du ferroviaire, négociée au printemps 2016, améliorée sur plusieurs points (treizième mois, meilleure rémunération du travail de nuit et du dimanche…). Malgré cette différence, 3500 CV ont été reçus! Il n’a guère été difficile de recruter 90 CDI, en grande partie dans la population locale.
Un conducteur pourra aussi faire de la supervision d’exploitation, de la vente et de l’info voyageur.
L’autonomisation du management de la ligne, débarrassé des lourdeurs SNCF, inclut l’intégration dans la business unit de tous les leviers de pilotage de l’activité, y compris le contrôle de gestion; elle va de pair avec la recherche de nouvelles formes d’organisation, basées sur la polyvalence. Un conducteur pourra aussi faire de la supervision d’exploitation, de la vente et de l’info voyageur. Seul le métier du contrôle continuera à être spécifique. Objectif: casser la routine, notamment pour les conducteurs (le parcours des 10,6 kilomètres se fait en quinze minutes environ), mais aussi sensibiliser l’ensemble des agents à la relation-client. Si Keolis a déjà expérimenté la polyvalence conduite-contrôle dans plusieurs réseaux, cette polycompétence-là sera une première.
Les coûts d’exploitation de Transkeo sont annoncés 40% moins élevés que ceux de Transilien, aux deux tiers (soit 25%) du fait de la nature de la ligne, et à un tiers (soit 15%) en raison des différences de statut et d’organisation du travail.
C’est à la fin de l’année que le Stif et l’exploitant feront les premiers comptes. Trois indicateurs devront être observés à la loupe: la qualité de service, le coût réel d’exploitation, la stabilité des équipes. Si les trois sont positifs, alors on pourra déduire quelques enseignements généraux de l’innovation Transkeo, susceptible d’être étendue aux seuls T12 et T13.
Rencontres Fnaut/Mobilettre
Découvrez le programme de la saison 2!
Après le succès de la saison 1 consacrée à l’avenir du ferroviaire en France, la Fnaut et Mobilettre ont décidé de poursuivre leurs efforts de décryptage des acteurs de la mobilité. Au programme de cette saison 2: l’essor des nouvelles mobilités.
De novembre 2017 à avril 2018
Nouvelles Mobilités: comment s’inscrire dans une offre multimodale
Après l’effervescence due à l’émergence rapide de nouvelles offres de déplacements (covoiturage, VTC, cars interurbains etc), le temps des consolidations est arrivé: comment réussir des connections qui soient les plus pratiques possible pour les voyageurs, aussi bien pour la localisation des pôles d’échanges que d’un point de vue intégration horaire, billettique voire tarifaire.
Cinq grands acteurs sont contactés pour participer à cinq rencontres-débats:
NOUVEAUTE: UNE GRANDE CONFERENCE EN REGION
En ouverture de cette nouvelle saison des Rencontres Fnaut/Mobilettre, une matinée d’échanges sera organisée dans une grande capitale régionale au mois de novembre. Au programme, un entretien d’ouverture avec le président ou la présidente de région, puis une table ronde réunissant les acteurs régionaux sur l’intégration des offres et la complémentarité des modes.
Rail 2020, comment redynamiser le mode ferroviaire
Une journée de débats à l’Assemblée nationale, le 28 septembre 2016, a donné le coup d’envoi d’une réflexion spécifique sur l’avenir du mode ferroviaire. L’offre de trains structure une grande partie des mobilités, non seulement par sa capacité de transport mais aussi parce que les gares, quelles que soient leur taille, constituent des pôles d’échanges puissants et bien ancrés dans les pratiques de nos concitoyens.
A partir du tableau d’ensemble dressé lors de ce colloque (lire le compte-rendu), cinq petits-déjeûners débats, ouverts à la presse, ont ensuite permis de mieux comprendre les stratégies des acteurs publics. Autour d’une cinquantaine d’adhérents Fnaut et lecteurs de Mobilettre, les invités ont parlé de façon claire et franche.
Guillaume Pepy, le 8 novembre: à fond sur le digital! Comment la révolution numérique transforme à la fois la relation au voyage et au voyageur, et la façon de produire le transport.
Alain Vidalies, le 6 décembre: il a fait le job! D’une mobilisation sans précédent des acteurs sur la sécurité ferroviaire à la réforme des trains Intercités en passant par l’application de la réforme de 2014. Mais il reste tant à faire…
Patrick Jeantet, le 24 janvier 2017: une nouvelle mobilisation industrielle pour le réseau. Après la réunification de l’infrastructure au sein de SNCF Réseau, l’heure est à la modernisation des process de maintenance et de régénération.
Elisabeth Borne, le 2 février: l’Epic RATP armé pour la compétition. Les futurs appels d’offres du Grand Paris Express permettront d’étalonner les réponses, avant les mises en concurrence des réseaux historiques.
Thierry Mallet, le 21 février: prêt pour la concurrence! Pour sa première sortie publique, le nouveau PDG de Transdev affirme ses ambitions aussi bien sur le Grand Paris Express que sur l’exploitation des TER libéralisés.
Londres: mais à quoi joue CityMapper?
Mardi et mercredi dernier, des vans Mercedes verts flashy arpentaient les rues du quartier de Temple à Londres et traversaient la tamise jusqu’à Waterloo… De quoi surprendre les Londoniens, plutôt habitués aux «black cab» et «Double Decker Bus» rouges. On pouvait lire «CMX1» sur les girouettes des minibus verts… En réalité, il s’agissait d’une expérimentation de deux jours, lancée par CityMapper. La start-up spécialiste des données, créée à Londres en 2011, testait ainsi sa première offre de transports collectifs en plein centre de la capitale britannique. One shot ou vraie diversification?
CityMapper prétend, à partir des données remontant de ses applications, optimiser l’offre de transport de surface
A première vue, rien d’extraordinaire dans cette expérimentation. Du matériel roulant classique: trois vans Mercedes Sprinter aménagés, équipés de Wifi et de prises USB. Un tracé très simple: une boucle d’environ 3,5 km, moins d’une dizaine d’arrêts, la plupart en correspondance avec des offres de TfL. Pour le fondateur de CityMapper, en revanche, c’est une révolution: il explique qu’en analysant les données remontant de son application, ainsi que les nombreuses autres datas ouvertes au public, il a identifié des possibilités d’optimiser l’offre existante de transport de surface. Après cinq années à accumuler et analyser des data, l’entreprise londonienne était effectivement en mesure de prendre du recul sur la demande réelle de déplacements: «Because we have a lot of behavioural data, in terms of the real journeys people have taken, we can then see how new changes would affect that behaviour». Désormais, ce qu’elle propose, c’est de déployer une offre dont le rapport avec la demande est optimisé, adapté au plus juste en temps réel. Ceci est rendu possible grâce à des outils développés en interne, tant à destination des usagers, que des conducteurs ou des équipes de monitoring.
Pourquoi la start-up prend-t-elle le risque de lancer sa propre ligne de transports? Pourquoi à Londres? L’offre y est déjà de bonne qualité et multimodale. L’autorité organisatrice de transports (TfL) y est forte et particulièrement compétente. Il aurait été plus simple de vendre sa technologie à l’opérateur, à l’image de Padam avec RATP Dev à Bristol. Mais CityMapper a une particularité: depuis son lancement, elle entretient de bonnes relations avec de nombreuses autorités organisatrices, particulièrement (et historiquement) avec TfL. Elle souhaite capitaliser sur ce lien fort pour travailler sur l’intégration d’une offre de «smart buses» au sein d’un système régulé. Car c’est un des obstacles les plus sensibles qu’il faudra apprendre à surmonter pour la start-up. TfL n’a aujourd’hui pas de modèle spécifique pour inclure de nouveaux types d’offres totalement privées dans le système de mobilité actuel. Néanmoins, l’autorité organisatrice se dit prête à discuter: «Citymapper has some very interesting ideas and we’re in discussion with them about how they might work in London», indiquait Michael Hurwitz, directeur de l’Innovation chez TfL, lors d’une interview réalisée par nos confrères de Wired. Est-ce une façon d’avouer que les modèles de trafic et d’itinéraires de l’AO ne sont pas parfaits?
La méthode de CityMapper est intéressante: franchir étape par étape les principales difficultés administratives et politiques, tout en testant des offres très simples, sans réelle prise de risque technique. D’ailleurs, on parle déjà d’une CMX2, qui pourrait être une offre de nuit, toujours à Londres, avant pourquoi pas des expérimentations dans d’autres métropoles. Néanmoins, de nombreuses questions restent en suspens. Quel modèle économique pourrait pérenniser le dispositif ? L’offre gratuite ne permet en aucun cas d’envisager les choses au-delà du court terme, et la start-up ne pourra pas ad vitam aeternam lever des fonds auprès d’investisseurs. Et les AOT, au-delà de l’expérimentation, peuvent-elles accepter que s’installent et se multiplient des offres totalement privées en parallèle des offres conventionnées?
Confrontées à l’exigence de rentabilité, les entreprises spécialistes de la donnée voudraient bien capter une partie des subsides alloués au transport public, sans pour autant rentrer dans un processus normalisé et contraignant qui leur ferait perdre agilité et innovation. Il n’est pas certain que les grands opérateurs s’arrangent d’une telle concurrence, alors qu’ils s’échinent à exploiter eux aussi le maximum des données disponibles.
Le maire de Londres part en croisade contre le diesel
Le maire travailliste Sadiq Khan s’attaque désormais aux véhicules diesel, avec des premières restrictions annoncées pour octobre 2017.
S’insurgeant du nombre de morts dus à la pollution automobile – «more than 9,000 Londoners die prematurely every year as a result of long-term exposure to air pollution. Enough is enough. We have a responsibility to take urgent action to protect the health of all Londoners», le maire de Londres, après la période des propositions (tarification, offre de transports, nouvelles infrastructures…) passe désormais aux restrictions. Il vient d’annoncer qu’à partir du 23 octobre 2017, les véhicules qui circulent dans le centre de Londres devront respecter un certain seuil d’émissions (au minimum Euro 4, norme datant de 2006) ou payer 10£ au titre du «T-Charge», soit un total de 21,5£ (25€) pour les zones déjà concernées par le Congestion Charging (qui date de 2003). Et Sadiq Khan ne compte pas s’arrêter là. Il annonce son intention de créer à partir de 2019 la première «Ultra Low Emission Zone» (Ulez) pour tous les véhicules diesel de plus de quatre ans et les véhicules essence de plus de 13 ans, qui devront payer 12,5£ (7/7j, 24/24h), en sus du Congestion Charging. Une taxe ensuite étendue au-delà du centre de la capitale à partir de 2021. Une logique que le maire souhaite également appliquer aux transports publics: «Of course, I expect Transport for London to lead by example, so I’m transforming London’s bus fleet, putting a stop to procuring diesel double-deck buses from 2018 and switching to cleaner hybrid or zero-emission buses instead».
Quelques jours après l’élection de Sadiq Khan à la mairie de Londres, Anne Hidalgo lui avait rendu visite, notamment pour recueillir son soutien en vue de la présidence du C40 (Cities Climate Leadership Group). Désormais à la tête du plus grand réseau de métropoles mondiales, elle compte bien profiter de ce «duo progressiste» pour faire de Paris et Londres des laboratoires d’expérimentation sur les questions d’environnement. Il faudra notamment évaluer les conséquences de deux stratégies assez opposées: Londres joue la carte assez radicale du péage quand Paris préfère dissuader, réglementer puis interdire.