Mobitelex 185 – 12 juin 2017

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Mobitélex. L'information transport

La lettre confidentielle de Mobilettre


Législatives: le transport décapité?

Il est encore trop tôt, au lendemain du premier tour, pour tirer un bilan définitif des élections législatives. Mais on peut d’ores et déjà constater que les députés sortants les plus aguerris sur les questions de mobilité sont en passe de sortir du Palais-Bourbon.

On savait que les deux cadors Philippe Duron et Dominique Bussereau ne se représentaient pas, tout comme Alain Gest. On peut désormais enregistrer une absence supplémentaire de poids, celle de Jean-Paul Chanteguet, défait dès le premier tour. Assidu et compétent président de la commission du développement durable, il avait gagné le respect de tous ses collègues.

Gilles Savary pourrait lui emboîter le pas. Loin derrière sa rivale officielle LREM sur ses terres girondines, il aura le droit à un deuxième tour pour renverser une situation très difficile, comme son compère du rapport d’évaluation de la réforme ferroviaire, Bertrand Pancher, proche de la sortie dans la Meuse. Martial Saddier en Haute-Savoie et Lionel Tardy se trouvent dans des situations comparables, de même que Gilles Carrez et Nathalie Kosciuko-Morizet. L’écologiste Pierre Serne ne réussit pas de percée à Vincennes avec un petit 8%: il est éliminé.

Les députés les plus en vue en matière de transport lors de la dernière législature laisseront donc la place à de nouveaux venus. Pas facile d’établir avec certitude avant le deuxième tour une relève de qualité, mais quelques noms se dégagent. François-Michel Lambert, ancien d’EELV et député sortant, assez compétent sur le transport de marchandises, et Patrick Mignola, actuel VP transport de la région Aura, ralliées à la République En Marche (LREM), ont de bonnes chances d’être de la prochaine Assemblée. Olivier Falorni pourrait être réélu, mais la plupart de ses interventions en commission du développement durable n’avaient pour but que de faire parler de sa circonscription. Willy Colin, candidat LREM dans la cinquième circonscription de la Sarthe, bien placé pour l’emporter, exploite depuis de longues années le désarroi des usagers, sans grand scrupule; rien ne dit qu’il pourra se muer en député soucieux de l’intérêt général.

Rendez-vous la semaine prochaine pour une analyse complète en fonction de résultats cette fois-ci définitifs.


RATP: les auditions ont commencé

Le cabinet Progress a entamé la semaine dernière les auditions des candidat(e)s à la présidence de la RATP. Vu le nombre de ces dernier(ère)s, le premier objectif consiste à dégager une short list pour une deuxième étape d’évaluation, sous maîtrise directe de l’APE (agence des participations de l’Etat), avant le choix du président de la République, soumis à l’avis des deux commissions parlementaires.

Un tel parcours du combattant exclut de privilégier une rumeur plus qu’une autre, même si la réputation de docilité de Progress et l’habituel fait du prince républicain en matière de nominations pousseraient à mettre en avant quelques candidat(e)s très proches du nouveau pouvoir. Encore faudrait-il savoir à quels avis Emmanuel Macron se fiera le plus, et quels critères de choix il privilégiera. Comme il s’agira de sa première nomination de patron(ne) de grande entreprise publique, la prudence est de mise et conduit plutôt à respecter le processus de sélection. Il serait en outre malvenu que tant de candidat(e)s apprennent dans quelques semaines que tout était pipé depuis le début.

En revanche, on peut d’ores et déjà rajouter l’ancienne maire de Strasbourg Fabienne Keller à la longue liste des prétendants, et exclure David Azéma de cette compétition. Le pourrait-il, l’ancien patron de l’APE nous confie qu’«il n’est candidat à rien et certainement pas à la RATP.»


Montbéliard aux Espagnols:
ambiance dans la profession

En toute logique l’espagnol Marfina-Moventia a gagné à Montbéliard. L’entreprise familiale, exploitante de plusieurs réseaux catalans mais aussi associée à Smoove et Indigo dans la nouvelle DSP de Vélib à Paris (lire Mobitelex 184), s’est vue attribuer jeudi 1er juin par les élus de l’agglomération doubiste leur DSP transports, suite aux recommandations de la commission d’appel d’offres.

Selon les chiffres que nous avons pu consulter, l’espagnol a été mieux-disant sur le prix (3% de moins par rapport à l’offre Keolis: 101 millions d’euros contre 104 millions, Transdev étant à 105 millions d’euros), mais aussi sur l’offre kilométrique (30,5 millions de kilomètres contre 28,1 et 28,4 pour Keolis et Transdev), l’investissement et l’évaluation des recettes commerciales. Ce dernier critère était considéré jusqu’alors comme un atout fort de Keolis, qui promettait aux élus, arguments à l’appui, de substantielles augmentations de fréquentation, avec à la clé une croissance des recettes qui permet de diminuer la contribution de la collectivité.

L’arrivée de Moventia dans le Doubs met à jour des relations loin d’être simples entre PME, grands groupes et collectivités. La question de la sous-traitance semble au cœur des problèmes

Une telle victoire, pourtant très nette (97 voix pour, 17 contre) a fait pas mal de bruit sur place, essentiellement du fait de l’inquiétude des PME interurbaines pour la pérennité de la sous-traitance. Côté opérateurs, Transdev, qui espérait profiter de la volonté d’alternance des élus, est l’opérateur qui a le plus mal pris la concurrence ibère, d’autant que Marfina-Moventia n’a pas fait mystère de l’appui que l’entreprise a trouvé auprès de Réunir, le réseau de PME présidé par Alain-Jean Berthelet. «Le groupe a collaboré pour cet appel d’offres avec Réunir, le premier réseau de PME de France […] qui fait référence en matière d’engagement qualité et de responsabilité sociale», écrivaient ainsi les dirigeants de Moventia le 31 mai, à destination des élus doubistes. Un peu plus loin ils insistent sur le sujet qui fâche: «La sous-traitance est très importante dans ce contrat, nous avons donc travaillé en collaboration avec Réunir […] en tenant compte des problématiques typiques des entreprises locales.»

Confrontés pêle-mêle à la révolution de la loi NOTRe, aux difficultés de financement des collectivités, aux coûts de la transition énergétique et des évolutions réglementaires, les opérateurs de transport interurbain craignent, au moment des attributions de DSP, les conséquences en matière de modification de la sous-traitance. Très logiquement, Moventia a donc voulu rassurer les PME locales de Montbéliard. Mais l’irruption d’un nouvel acteur espagnol, favorisée par Réunir, n’est pas bien vue par tous les acteurs de la profession. «Pourquoi nous compliquer encore la tâche alors que nous sommes déjà face à de multiples défis?», disent certains d’entre eux, en substance.

Cette position est loin d’être partagée par ceux qui considèrent qu’il est temps de revoir le rapport des grands groupes à leurs sous-traitants, qui constituerait en réalité le fond du problème – d’ailleurs, selon nos informations, il se pourrait que Moventia rejoigne officiellement le réseau Réunir des PME. On pourrait rajouter au tableau la position difficile d’un grand groupe comme Transdev, co-exploitant du tramway de… Barcelone, et très opposé à l’arrivée du Catalan Moventia à Montbéliard. Décidément, dans le Doubs, les temps sont durs pour tout le monde.

Bus longue distance: les chemins de fer autrichiens jettent l’éponge

Les ÖBB – les chemins de fer autrichiens- s’étaient lancés il y a à peine un an sur le marché des bus longue distance, sous la marque Hellö, avec un prix compétitif de 15 € à destination de Berlin, Munich, Zurich et Venise. Ils auront tenu tout juste un an avant de vendre à Flixbus. En lançant l’offre, le président des ÖBB Christian Kern, aujourd’hui Chancelier fédéral, annonçait un objectif de rentabilité d’ici 5 ans. Son successeur, Andreas Matthä, n’aura pas attendu jusque là, avec des pertes estimées, depuis le lancement, entre 6 et 11 millions d’€. Les 28 autocars de la flotte seront donc cédés à Flixbus qui annonce être bénéficiaire en Autriche, en Allemagne et en Suisse depuis 2016, grâce à la tarification modulable.

Jimmy Brun à Matignon

Le successeur de Stéphane Lecler au cabinet du premier ministre, chargé des Transports, sera Jimmy Brun. Polytechnicien (2010), après six mois passés à la Commission européenne en 2011 il est entré à la DGEC du ministère de l’Ecologie et du développement durable avant de devenir chef du bureau de l’ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires, en 2014.


Alitalia: quel casino

32 «manifestations d’intérêt» pour la compagnie nationale italienne Alitalia, à peu près autant que pour la présidence de la RATP… Avec un point commun: toutes les offres ne seront pas déclarées recevables, mais une différence de taille car parmi les 32 offres italiennes plus d’une ne vaut que pour un secteur, dans l’hypothèse où Alitalia serait vendue «à la découpe».

Pour l’instant, on ne connaît officiellement que le nombre d’offres. Celles qui seront retenues seront dévoilées mi-juin. Il y aura ensuite une phase complémentaire pour affiner les propositions et ce n’est qu’en octobre qu’interviendra le choix définitif.

Ce que l’on sait aujourd’hui, on le sait des candidats eux-mêmes ou … des non-candidats. Ont présenté des dossiers: Delta Airlines, partenaire d’Air France et KLM au sein de l’Alliance Sky Team. Ryanair, qui a pris soin de préciser qu’il n’était pas intéressé par l’acquisition de la compagnie dans son entier mais proposait de faire du «feed» (pré et post-acheminements) pour les vols longs courriers. Du côté de Lufthansa, pas d’intérêt pour l’ensemble non plus, mais éventuellement pour la flotte et les «slots» (créneaux horaires). En revanche, la low cost Norvegian a assuré ne pas avoir présenté d’offre.

Beaucoup de prétendants pour Alitalia, une proie en situation difficile: c’est bien Ryanair, tous trajets confondus (international et national) qui est le premier opérateur transalpin…

A première vue, on ne se bouscule donc pas pour une reprise en bloc, de quoi alimenter les craintes des pouvoirs publics italiens qui voudraient éviter le dépeçage. Il est vrai que les règles européennes bloquent aujourd’hui les investisseurs extra-communautaires (c’est ainsi qu’Etihad avait dû se limiter à 49% du capital). L’Union européenne est-elle prête à les faire évoluer? Le dernier conseil Transport, jeudi dernier, avec la présentation des orientations aériennes «Open and connected Europe», ne semble guère aller dans ce sens, mais tout est affaire de détails, notamment dans la façon de calculer les participations. Les appétits des compagnies aériennes sont en tout cas très aiguisés. Dans le cas d’Alitalia, qui pourrait se montrer intéressé? Etihad encore? Compte tenu des critiques entendues, il y a peu de chances que les Italiens s’en réjouissent. Hainan Airlines? Air China? Pas sûr que cela suscite non plus l’enthousiasme, il n’y a qu’à se souvenir des réactions à Toulouse pour la prise de contrôle de l’aéroport.

Une chose est certaine, si Alitalia doit renaître de ses cendres, il lui faudra méditer les chiffres du transport aérien transalpin rendus publics cette semaine. Et le vainqueur est… Ryanair, avec, tous trajets confondus (international et national), 32,6 millions de passagers en croissance annuelle de 9,8%. Alitalia n’arrive qu’en deuxième position (23,1 millions de passagers). En revanche, la compagnie nationale reste bien n°1 sur le trafic intérieur, mais on a vu où cela l’a menée…


L’offensive de la carte libre dans les transports

Ils étaient 250 à Avignon regroupés pour parler «cartes» pendant presque trois3 jours. La communauté OpenStreetMap était réunie pour une nouvelle édition du «State of the Map France», devenu l’événement annuel de la cartographie participative à l’échelle hexagonale… Mobilettre y était.


Initié il y a désormais treize ans par un ingénieur britannique, OpenStreetMap (OSM) est un projet international visant à créer une base de données géographiques libre. C’est donc une alternative libre à Google Maps. Le dispositif est bâti par une communauté de bénévoles qui contribuent et maintiennent les données. En France, le projet a progressivement séduit de nombreux adeptes, qui se sont regroupés en 2011 pour créer l’association OpenStreetMap France, qui organise depuis maintenant cinq ans le «State of The Map». Et visiblement, la sauce semble prendre puisque cette année, pas moins de 20 sponsors affichaient fièrement leur logo au milieu de plus de 250 participants.

Parmi eux, quelques pointures du monde de la mobilité, comme Michelin, Kisio Digital ou encore Mappy. Rien d’étonnant, quand on sait l’importance de la cartographie dans les nouveaux outils numériques autour des transports (applications, calculateurs d’itinéraires, géolocalisation de matériel roulant, véhicule autonome…). Pas étonnant non plus lorsque l’on constate à quel point les principales technologies restent propriétaires: Plans appartient à Apple, Here à Nokia, Maps à Google… De quoi commencer à prendre «ces fous de la carto» au sérieux?

L’ambition d’une base de données géographiques libre contre la toute puissance de Google Maps. La SNCF et Michelin s’y intéressent fortement

Alors que la millionième note a été créée sur OSM il y a quelques jours, que 3000 bénévoles contribuent chaque mois en France, ce qui était à la base un rêve de geeks utopistes commence à prendre de l’ampleur et séduit désormais collectivités et opérateurs de transports. Il faut dire que dans le domaine, les projets «à base d’OSM» présentés lors de ce State of the Map 2017 ne manquaient pas: «Vroom» pour résoudre efficacement des problèmes de tournées de véhicules; «JungleBus», développé par un ancien de chez Transilien (Florian Lainez), pour cartographier très facilement les réseaux de transports des villes, avec l’objectif de pouvoir éditer des cartes papier très pédagogiques, ou encore «V4MBike» pour réaliser son propre Google Street View à l’aide d’un vélo et d’une caméra!

Certains acteurs du transports ne s’y trompent pas, à l’image de la SNCF. Largement représenté au sein de cette cinquième édition, l’opérateur présentait différentes démarches basées sur la technologie d’OSM dont son projet mené avec Transilien pour cartographier les 380 gares d’Ile-de-France, y compris dans les bâtiments voyageurs complexes cartographiés en multi-niveaux. Son équipe (SNCF DSI et SNCF Innovation & Recherche), très jeune et motivée, expliquait l’intérêt de la cartographie indoor, et l’ensemble des opportunités offertes par cette technologie. Elle avouait d’ailleurs ne pas vouloir s’arrêter à l’Ile-de-France et discuter notamment avec la Région Bretagne. La filiale digitale de la SNCF, Kisio, était aussi très présente: sponsor de ces trois jours, participant au financement de JungleBus, elle présentait aussi un dispositif de géocodage et d’autocomplétion de Navitia (son moteur de calculateur d’itinéraires) basé sur des données OSM.

De nombreux projets qui montrent l’intérêt des opérateurs et collectivités pour l’outil OSM, aussi et surtout parce qu’il est une des alternatives les plus crédibles à la toute puissance de Google Maps. La SNCF, en guerre contre le géant de la Silicon Valley, a depuis fin 2014 progressivement migré ses outils sur OpenStreetMap. Kisio Digital, après avoir reçu une belle ardoise du géant américain, a dû rapidement basculer l’ensemble de sa visualisation cartographique sur OSM. Quelques collectivités s’y sont aussi mis. Mais le basculement n’est pas aussi immédiat et facile pour tous. Ce que propose Google Maps, gratuitement (dans un premier temps) a de quoi séduire. L’outil est connu de tous, simple, intuitif et particulièrement puissant. OSM reste un dispositif contributif, modéré par ses propres membres et encore incomplet… de quoi refroidir encore de nombreuses collectivités.

Il subsiste pourtant comme une anomalie surprenante dans ce paysage des données cartos transports: la mise à l’écart de fait de l’IGN (Institut géographique national), dont la mission officielle consiste pourtant à délivrer des données de référence. Problème, elle doit aussi se financer elle-même via des licences sur les données, mais ses partenaires publics n’en ont cure et se tournent volontiers vers le libre… L’IGN a quelques précieux atouts dans sa manche, dont la précision de ses repères et données grâce à ses moyens GPS et aériens (bien meilleure que la simple prise de vue du smartphone), et la compétence de ses spécialistes.


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