Mise en concurrence des lignes de bus: Ile-de-France Mobilités avance, Optile réagit
L’autorité organisatrice francilienne vient de confirmer au Journal officiel de l’Union européenne sa mise en ordre de bataille pour la mise en concurrence des réseaux d’Optile à partir de fin 2020, soit quatre ans avant qu’y soit tenu l’Epic RATP. Les adhérents d’Optile montent au contentieux. Le gouvernement va-t-il s’en mêler?
Ile-de-France Mobilités a publié en décembre, au Journal officiel de l’Union européenne, un avis de pré-information pour la mise en concurrence des lignes de bus d’Ile-de-France exploitées par des opérateurs privés. Il était temps: la loi l’oblige à une telle publicité un an avant le lancement des appels d’offres, qui doit intervenir fin 2018 pour que l’objectif de début 2021 des premières mises en concurrence effective soit tenu.
«L’Etat a confirmé que les services réalisés par les entreprises appartenant au réseau Optile devaient être mis en concurrence, explique à Mobilettre Ile-de-France Mobilités. Dans ce cadre, nous nous mettons en ordre de bataille pour qu’à l’issue des actuels contrats, à fin 2020, les nouveaux opérateurs qui opéreront sur le réseau soient sélectionnés après mise en concurrence. C’est dans ce cadre que l’avis au Journal officiel a été publié.» Ile-de-France ne fait donc que se conformer à la lettre que lui avait envoyée il y a deux ans le préfet Jean-François Carenco, suivi en décembre 2016 par le Conseil d’Etat (lire Mobitelex 167)
Pas question pour les opérateurs privés d’ouvrir leurs lignes à la concurrence quatre ans avant l’Epic RATP
Comme prévu, les adhérents d’Optile (Keolis, Transdev, les indépendants et… RATP Dev) viennent de réagir en envoyant à Valérie Pécresse, présidente d’Ile-de-France Mobilités, un recours grâcieux, qui est une sorte de préalable à un futur recours contentieux. Pas question pour ces opérateurs de voir leurs lignes ouvertes à la concurrence avant décembre 2024, date à laquelle l’Epic RATP devra ouvrir ses propres lignes. «Inéquité de traitement», s’apprête à plaider Optile, présidé par Jean-Sébastien Barrault.
Qu’espèrent les adhérents d’Optile? Probablement inciter l’Etat et le gouvernement à aligner toutes les dates d’ouverture, car du côté d’Ile-de-France Mobilités, afin que les choses soient bien claires, on précise: «Ce n’est pas IDFM qui a fixé les dates de mise en concurrence mais le législateur. IDFM appliquera la loi.» Et comme l’ex-présidente de la RATP (et actuelle ministre des Transports), Elisabeth Borne, a toujours répété qu’il était hors de question de remettre en cause la date de 2024 pour l’ouverture des réseaux RATP, on comprend l’impasse. Sauf à ce que la loi revienne sur la loi et repousse l’ouverture des réseaux Optile à 2024? On se souvient que la députée Valérie Lacroute avait failli réussir à passer un tel amendement en décembre 2016 (lire Mobitelex 168) Le nouveau gouvernement, plutôt libéral en la matière, oserait-il aujourd’hui retarder une ouverture à la concurrence? Rien n’est moins sûr.
Voilà donc relancé un sujet bien délicat, car il semble établi que les opérateurs d’Optile n’entendent pas se laisser concurrencer quatre ans avant que ne le soit l’Epic RATP. C’est une question d’équité, bien avant celle de la concurrence elle-même.
LGV Tours-Bordeaux: les satisfecit de Lisea
Taux de régularité de la ligne nouvelle à 94%, succès commercial, maîtrise technique de la maintenance: les débats autour du niveau de l’offre de TGV et du modèle économique du PPP semblent déjà bien loin…
Hervé Le Caignec, président de Lisea, a confié à Mobilettre son bilan de façon on ne peut plus claire: «La LGV Tours-Bordeaux est un succès opérationnel, technique et commercial.» Un peu plus de huit mois après la mise en service commercial de la ligne, les deux principaux indicateurs sont au vert: un taux de régularité de la ligne nouvelle à 94% (il devrait encore s’améliorer), une fréquentation sur Paris-Bordeaux qui a bondi globalement de 50% (pour une offre de 18,5 trains/jour sur cette destination, et de 30 trains/jour au total). Sur l’été dernier, la progression du nombre de passagers entre l’Ile-de-France et Bordeaux a même atteint 75%; et les voyageurs d’affaires sont deux fois plus nombreux qu’il y a un an.
Plusieurs opérateurs étrangers ont déjà approché Lisea en vue de l’ouverture à la concurrence des trafics domestiques longue distance
Oubliés, les violents affrontements avec la SNCF et les collectivités sur l’offre à mettre en place? L’heure est aujourd’hui plutôt à la concorde, car Lisea comme SNCF Mobilités sont évidemment satisfaits de la manière dont les voyageurs ont réagi. «C’est gagnant-gagnant», résume Hervé Le Caignec. On ne sait pas encore le taux exact de remplissage des trains, mais manifestement les modèles de prévision de trafic de SNCF Voyages ont été balayés par le vent de l’Atlantique. Ses équipes envisageaient principalement un transfert des voyageurs de l’aérien? Il est moins rapide que prévu, Air France n’ayant supprimé à ce jour que quatre aller-retours. Le trafic induit devait être assez faible? Au contraire l’effet d’aubaine marche à plein: les nouveaux voyageurs affluent, y compris en provenance des TER. Bref, la promesse des deux heures fonctionne à plein: Paris-Bordeaux est déjà devenu la troisième origine-destination, après Paris-Lyon et Paris-Lille. Et on se dirige doucement mais sûrement vers des offres renforcées, au-delà des seuils de rentabilité fixés par Lisea.
Malgré les crises de Montparnasse et les problèmes de régularité de l’axe dans son ensemble (le taux de 94% de Lisea ne s’applique qu’à la ligne nouvelle, avec des calculs en entrées-sorties), ces bons chiffres de fréquentation confirment l’attractivité nouvelle du sud-ouest dans son ensemble et de la métropole bordelaise en particulier. Logiquement, des opérateurs étrangers ont approché Lisea en vue de l’ouverture à la concurrence des trafics domestiques longue distance.
Ce succès incite également Lisea à vanter sa compétence de gestionnaire d’infrastructures, en France mais aussi à l’étranger. Ses méthodes de maintenance, de surveillance et d’organisation du travail intéressent SNCF Réseau, qui avait aussi beaucoup analysé en son temps l’innovation portée par un autre gestionnaire d’infrastructure, Eurotunnel. En analysant chaque jour tous les incidents survenus pour faire une traque impitoyable aux défauts récurrents, Lisea entend faire passer les causes d’irrégularité liées à l’infrastructure sous les 20% – ce qui n’est déjà pas si mal pour une ligne nouvelle. Mieux, il travaille main dans la main avec l’opérateur historique pour réduire les problèmes liés à la conduite (par exemple les erreurs de paramétrages).
Ironie de l’histoire, les bons résultats du TGV en 2017 devront aussi beaucoup à ce deuxième semestre réussi sur l’axe Atlantique, car les pertes seront limitées par rapport aux prévisions initiales à 200 millions. On est même impatient de savoir à quel niveau elles se situeront en 2018, en année pleine. Et si l’on se rapprochait à grande vitesse d’un improbable équilibre?
Grand Paris Express:
les dilemmes du gouvernement
Face aux élus franciliens assez largement coalisés, comment imposer une nécessaire rationalisation? Comment ne pas toucher au schéma d’ensemble tout en enrayant la gabegie programmée? Et s’il fallait revoir le dossier des déplacements franciliens encore plus profondément?
Se vouloir le maître des horloges ne signifie pas forcément qu’on ne subit pas la loi de l’opinion publique et la pression des élus. En reportant, au mieux à la mi-février, ses arbitrages sur le Grand Paris Express, le gouvernement interrompt brutalement le cycle de clarifications qu’il avait imaginé en début d’année: pas d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, pas d’exposition universelle, pas d’inflation des coûts sur le Grand Paris. Car l’enchaînement a subitement fait désordre au moment où le prince Macron vantait à Versailles le retour de la France conquérante. En urgence (le déplacement du mardi 23 s’est décidé le lundi 22), le Premier ministre Philippe s’est donc rendu à Champigny-sur-Marne pour recourir à la bonne vieille com de l’ancien monde politique: on consulte, on est conscient des enjeux et de la complexité, on prend le temps de réfléchir.
Le gouvernement prend donc un peu de recul pour ne pas heurter de plein fouet les élus franciliens assez largement coalisés, les acteurs socio-économiques et autres décideurs maintenus dans la douce illusion d’une folle ambition: réaliser intégralement toutes les lignes du GPE en dix ans. Le rapport de la Cour des comptes est passé par là, qui a contribué à objectiver la dérive de la Société du Grand Paris, maître d’ouvrage débordé.
La ligne 14 Sud? Pas avant mai 2024. La 15 Sud? Plutôt 2025. Il va aussi falloir atterrir sur les délais de mise en service
Tout à sa mission de rétablir les finances publiques, le gouvernement ne peut revenir sur son intention de retrouver davantage de raison dans ce dossier, aussi bien sur les délais que sur les coûts. Il va bien falloir avouer qu’à moins de rajouter encore des milliards et des milliards, quasiment rien ne sera prêt pour les JO de 2024. Selon nos informations, la ligne 14 Sud devrait être disponible en mai 2024… si tout va bien – vu la complexité de certains chantiers comme celui de Maison-Blanche, les aléas sont plus que probables. Pour la ligne 15 Sud, l’horizon des ingénieurs est aujourd’hui fixé à 2025. Quant aux autres…
Le plus gros dilemme concerne pourtant le dimensionnement du projet. Comment ne pas toucher au schéma d’ensemble, comme l’a promis Elisabeth Borne, tout en enrayant la gabegie programmée? Comment décider d’un nouveau phasage sans accusations d’incohérences territoriales? Aujourd’hui tenu par la loi du Grand Paris qui impose de ne pas revenir sur le schéma, le gouvernement ne semble pas disposé à revoir drastiquement la politique générale des infrastructures franciliennes. Pourtant, la crise si prévisible des RER et lignes ferroviaires pourrait l’inciter à affronter globalement la situation. Histoire de ne pas avoir à traîner pendant des années comme un boulet ce Grand Paris Express budgétivore et bientôt source de nombreuses perturbations au quotidien pour des voyageurs parfois au bord de la rupture.
Valérie Pécresse, l’équilibriste
Lors de ses vœux en tant que présidente de région, Valérie Pécresse a d’abord fait un aggiornamento politique: il faut désormais bien autant parler des dix ans de travaux à venir à peu près partout en Ile-de-France que des trains tout neufs qu’elle achète en masse. Ce fut l’instant Churchill, de la sueur et des larmes avant la victoire finale. L’aveu est d’importance et tient de l’anticipation politique: on aurait pu vite lui reprocher de promettre la lune aux voyageurs quand ils ne verraient en réalité que la grisaille des retards.
A ces voyageurs, elle a envoyé un signe en demandant au gouvernement la création d’un fonds d’indemnisation pour compenser les perturbations à venir, après avoir salué le bas niveau de la tarification francilienne. Le pari est compliqué: est-ce une consolation juste et habile qui calmera les énervés, ou le renoncement à une indispensable conscience collective pour la construction d’une mobilité meilleure?
La présidente a enfin mis la pression sur le gouvernement: «Il faut considérer comme priorité absolue la rénovation du réseau existant et en même temps tenir les engagements du Grand Paris Express», explique-t-elle. Le message était quasiment explicite: ne comptez pas sur moi pour vous aider à résoudre vos dilemmes, la responsabilité de ces choix d’infrastructures vous appartient.
Concurrence ferroviaire:
ce que disent les syndicats cheminots
Principale attraction du rapport Spinetta attendu pour la deuxième semaine de février, la question de la concurrence dans les TER accapare déjà les organisations syndicales de la SNCF. Elles y sont toutes opposées par principe, mais l’Unsa et la CFDT envisagent quand même l’hypothèse. Et elles posent leurs exigences, en matière de conditions de transfert de personnel notamment. Mobilettre décrypte.
Commençons par la CGT, majoritaire à la SNCF. Elle considère que «la concurrence est en échec partout» et «ne répondra en rien aux problématiques du système ou des usagers. Elle doit donc être évitée.» Y compris parce qu’elle ne garantirait pas une bonne conception des correspondances, souligne son secrétaire général Laurent Brun. A-t-il vraiment constaté que les entités de SNCF Mobilités travaillaient bien ensemble aujourd’hui?
Pour la CGT et Sud Rail, c’est officiellement non à tout
La CGT affirme en outre que «la concurrence n’est pas une obligation puisque des exceptions existant dans le réglement OSP et le 4e paquet ferroviaire permettent de maintenir une attribution directe.» Pour elle, la solution aux maux dont souffre le système ferroviaire c’est le retour à une SNCF intégrée et l’abandon de la stratégie d’externalisation. Et le syndicat prévient: «La CGT a redit qu’elle n’accepterait aucune attaque du régime spécial et que l’idée que cela pourrait être une contrepartie au désendettement du système est absurde.» Avec tout le respect que l’on vous doit, voilà monsieur le Président! En tout cas, même pour Jean Cyril Spinetta, qui n’est pas un spécialiste du ferroviaire, cela a le mérite d’être simple: c’est non à tout. Idem d’ailleurs pour Sud-Rail, qui ne prend pas la peine d’argumenter longtemps.
Autre syndicat, autres méthodes. L’UNSA ferroviaire a remis à Jean-Cyril Spinetta un document très complet de 19 pages: elle y fait un certain nombre de propositions intéressantes sur le modèle économique du système (on y reviendra prochainement). Ouverture donc. En revanche, lorsque l’on passe à la question de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, c’est plutôt la fermeture. Si le langage est différent, la position de fond n’est pas très éloignée de celle de la CGT, même si elle est plus subtile.
D’emblée, on est prévenu: «L’UNSA ferroviaire n’est pas favorable à l’ouverture à la concurrence des transports de voyageurs.» Ce qui ne l’empêche pas de se préparer à l’inéluctable tout en étant «attentive aux très fortes exigences de transparence comptable et financière des AOM. Si ce niveau d’exigence devait conduire SNCF Mobilités à mettre en place une filiale par contrat TER comme cela se pratique dans le transport urbain, l’ouverture à la concurrence pourrait prendre un tour social explosif.» Ouverture s’il le faut mais en tout cas en gagnant du temps: l’UNSA demande ainsi qu’«une consultation préalable de SNCF Réseau soit inclue dans le processus de réponse à l’appel d’offres et qu’un délai réaliste soit institué entre l’attribution du marché et le démarrage du contrat pour mettre en œuvre les réajustements nécessaires dans les graphiques de circulation. En Allemagne, ce délai est de deux ans.» Peste!
Pour l’Unsa, «le salarié doit rester maître de ses choix»
Concurrence sans doute, mais l’opérateur historique, agissant comme prestataire de services, doit garder le contrôle de la maintenance des matériels roulants (tant pis pour les régions qui voudraient des Roscos…) et de la sûreté, à travers la SUGE, la SUrveillance GEnérale. Quant aux conditions de transfert des personnels, le moins que l’on puisse dire c’est que le ticket ne sera pas bon marché pour le nouvel entrant. Sur le périmètre des agents concernés par le transfert, en premier lieu: personnels de production, bien sûr, mais aussi services supports (communication, distribution, RH, marketing…) et encadrement. Sur les conditions sociales du transfert ensuite: la cotisation retraite (T2) pour financer le régime spécial des cheminots devra être refacturée aux nouveaux entrants via une structure ad hoc, idem pour les cotisations patronales de la complémentaire santé et prévoyance spécifique au groupe SNCF, idem pour les aides au logement prévues par les référentiels SNCF ou l’allocation de fin de carrière (au prorata, tout de même…).
Sur le transfert lui-même, on sent bien que l’UNSA n’est pas à l’aise: après avoir affirmé le caractère obligatoire du transfert et son attachement à la garantie de l’emploi, dont il est la contrepartie, le syndicat estime toutefois que «le salarié doit rester maître de ses choix» et que «les premiers transferts doivent permettre aux cheminots de se positionner sur un choix de transfert vers la nouvelle EF, mais également préserver la mobilité géographique ou professionnelle au sein du groupe public ferroviaire.» Si ce n’est pas du volontariat, on y perd son latin! Et qui plus est, l’UNSA propose «une clause d’option de retour» dans le groupe public «possible dans la première année de présence dans la nouvelle entreprise (…) ainsi qu’une clause permettant au salarié un retour selon les circonstances de la vie (sic) ». On se dit que c’est carrément un appel à la philanthropie qui est lancé aux nouveaux entrants potentiels.
Reste la CFDT. Le syndicat a organisé le 14 décembre dernier un colloque sur le sujet à son siège du XIXè arrondissement de Paris, preuve que son opposition de principe à l’ouverture à la concurrence se teinte de réalisme: «La CFDT regarde avec lucidité les évolutions induites par la législation européenne et nationale, et souhaite les anticiper dans l’intérêt des salariés.» D’ailleurs Sud-Rail n’a pas raté l’occasion d’aller manifester ce jour-là bruyamment au métro Belleville. Etrange situation: des CRS présents pour protéger des syndicalistes d’autres syndicalistes…
La CFDT envisage de façon très large le périmètre des salariés transférables
L’essentiel des préconisations de la CFDT tient aux conditions de transfert («il faut un droit au transfert avec option du salarié»: c’est donc à la carte) et aux garanties sociales relatives: maintien du statut et du régime spécial en cas de transfert, droit au retour dans son cadre d’emploi d’origine avec reprise intégrale d’ancienneté, conception extensive du périmètre des salariés transférables («tout le personnel concourant directement ou indirectement au service»).
Quant au périmètre des lots, la CFDT se veut magnanime en exigeant qu’ils soient «représentatifs de la gestion d’un système global et complexe», pour éviter «une ouverture par appartements contraire à l’intégration des fonctions».
Quelles que soient les nuances, les positions de départ des principaux syndicaux, exprimées publiquement, témoignent d’une maîtrise consommée du rapport de forces. Pas question de montrer de la faiblesse à un gouvernement qui a montré avec la loi Travail qu’il avait lui-même une certaine aptitude à maîtriser les situations complexes – même si, à l’intérieur de l’UTP comme de façon informelle, la rigidité des positions peut se mâtiner de quelques concessions significatives. Il faut donc s’attendre à des semaines de tensions sociales exacerbées par les silences de Spinetta et quelques maladresses du gouvernement sur les crises des gares. La très difficile gestion de la grève des personnels pénitentiaires rappelle en tout cas à l’ordre: les mouvements sociaux sectoriels sont toujours délicats.
Le flou Spinetta
Jean-Cyril Spinetta avait trois mois pour mener à bien la mission qui lui était impartie par le gouvernement sur le modèle du transport ferroviaire. Trois mois, c’est maintenant. On ne sait pas grand chose, culture du secret oblige, de ce que prépare l’ancien PDG d’Air France. Ce que l’on sait, on le sait surtout par les organisations syndicales qui, à l’issue de leur audition, se sont laissé parfois aller à quelques confidences à l’attention de ceux qu’ils représentent.
Ainsi la CGT Cheminots résume ouvertement en ces termes les propos de Jean-Cyril Spinetta: «Monsieur Spinetta considère que la durée de sa mission est trop courte pour traiter le sujet du fret qu’il propose de reporter à une mission ultérieure. Sur les conditions sociales des cheminots, il considère qu’un rapport existe déjà et qu’il n’a rien à rajouter. Concernant la pertinence du mode ferroviaire, il se dit stupéfait de la faiblesse de fréquentation de certaines lignes et considère qu’il faut rationaliser la dépense publique. Concernant la concurrence, il regardera les arguments de la CGT mais pense quand même qu’elle sera obligatoire (…) Sur la dette, il veut savoir si une fois désendetté, le système est capable d’avoir un modèle économique équilibre à long terme.»
Ce ne sont que positions rapportées, faute de confidences directes dudit rapporteur. Mais d’une manière générale, ces quelques affirmations prudentes semblent bien alignées sur celles d’Elisabeth Borne et de Bercy): le ferroviaire coûte cher, trop cher. Certes. Reste à savoir comment on s’y prend pour le rendre plus performant: on continue à dépecer lentement mais sûrement, ou bien on reprend tout (le système, le réseau, la gouvernance, le financement, le management) avec méthode et courage? Et encore faut-il ne pas se tromper de combat ni de constat. Comme le faisait remarquer un visiteur de Jean-Cyril Spinetta, il arrive fréquemment qu’en matière de transports du quotidien, un train soit vide dans un sens et bondé dans l’autre…