/ / /
De la responsabilité
Le verdict du procès de Brétigny désigne la seule SNCF. On a relu l’interview du professeur Rivier en 2006…
Parce qu’il faut respecter les juges, les vrais, ceux qui tranchent en toute conscience – par opposition à tous ces nouveaux censeurs autoproclamés qui éclosent à la faveur des forums digitaux -, on ne va pas refaire le procès de la catastrophe de Brétigny. Mobilettre est d’ailleurs volontairement resté muet pendant l’instruction et les audiences à Evry.
Pour autant, se contenter d’énoncer le verdict sans en tirer quelques enseignements n’est pas une option. De ce point de vue, comme de nombreux spécialistes l’anticipaient, la recherche des responsabilités s’est arrêtée assez bas dans l’organigramme du système ferroviaire. Et cela mérite quelques explications (lire notre article ci-dessous).
Dans une organisation aussi profondément systémique et centralisée que le ferroviaire, l’impact des décisions de la tutelle publique est majeur. On l’a vu dans la crise du nucléaire : le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy n’a pas supporté d’être tenu seul responsable de l’indisponibilité de trente réacteurs. Et c’est le président Macron qui lui a répondu publiquement, comme quoi le sujet de la responsabilité politique est sensible.
Nous republions ci-dessous des extraits de notre interview du respecté et défunt professeur Rivier, suite à son rapport sur l’infrastructure ferroviaire française en 2006. Le caractère prémonitoire de ses déclarations est spectaculaire: à le relire, l’inaction répétée des gouvernements successifs peut difficilement être décorrélée d’un certain nombre d’accidents ferroviaires liés à la vétusté des composants.
On peut même considérer que la catastrophe de Brétigny n’a pas suffisamment changé le cours des choses : en protégeant spectaculairement son actionnaire l’Etat, comme il l’a fait pendant si longtemps, Guillaume Pepy a probablement aussi joué contre son camp, à terme. Son successeur Jean-Pierre Farandou, lui, n’hésite pas à solliciter publiquement plus d’argent et à évoquer un déclassement de la SNCF en deuxième division en matière d’innovations digitales. Son alerte a aussi valeur de protection: la tutelle n’a pas aimé… Mais pour l’instant, elle n’agit toujours pas. G. D.
. . .
JUSTICE
Brétigny, le lampiste n’était pas le bon
Le DPX mis en examen est innocenté, la SNCF héritière de SNCF Infra est condamnée. C’est tout ?
La justice est passée. Dans le procès relatif à l’accident de Brétigny de juillet 2013, le Tribunal d’Evry a relaxé le DPX (dirigeant de proximité) et le gestionnaire d’infrastructures (ex-RFF), et condamné la SNCF (héritière de SNCF Infra) à 300 000 euros d’amendes (au civil les indemnisations, qui s’ajoutent à celles déjà versées par la SNCF aux victimes et familles de victimes, s’élèvent à 4 millions d’euros). La SNCF se donne au maximum dix jours, le délai légal, pour décider d’un éventuel appel.
Il est toujours délicat de synthétiser un jugement et a fortiori de le commenter, vu sa longueur (une centaine de pages) et la complexité du sujet. On va quand même essayer de dégager quelques enseignements de ce procès très consistant.
Le cœur du jugement repose sur l’imputabilité des deux fautes reconnues (sur quinze retenues initialement) qui entraînent la responsabilité et la culpabilité de la SNCF. Les juges ont exempté le DPX, seul personne physique mise en examen, de façon très claire, « en l’absence d’élément probant et de faute caractérisée établie». Ils ont donc cherché à identifier les titulaires de la délégation de sécurité, et se sont arrêtés au niveau des DUO (dirigeants d’unité opérationnelle) : «Cette négligence dans le contrôle du suivi du cœur n° 11311 depuis juin 2010 commise par les dirigeants successifs de l’unité de production Voie Essonne-Val-d’Orge, délégataires de pouvoir en matière de sécurité technique, est une négligence ayant contribué au déraillement […]. La SNCF devenue la SA Société nationale SNCF en sera donc déclarée coupable.»
«Les agents ont été contraints de s’adapter au prix d’incuries», a relevé la présidente
Ce qui frappe dans le jugement, c’est la coexistence d’une sévérité à l’égard de la SNCF (dont la tentative de faire porter l’origine de l’accident à une défaillance métallurgique a piteusement échoué) et de la recherche d’une responsabilité opérationnelle. «Les agents ont été contraints de s’adapter au prix d’incuries», a relevé la présidente du Tribunal. Mais pourquoi n’avoir pas cherché toutes les responsabilités en amont ?
Les juges ne sont pas remontés dans la chaîne de décisions, ce qui les aurait poussés à s’interroger sur les choix stratégiques effectués par l’Etat, et mis en œuvre par la SNCF et RFF. La complexité des flux les en a-t-elle découragés? Pourtant… Ils auraient pu chercher à savoir, par exemple, pourquoi une partie des crédits de la convention de gestion de l’infrastructure entre RFF et SNCF Infra n’avait pas été utilisée, plusieurs années durant, et ce malgré les avertissements clairs et répétés du professeur Rivier, de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, aujourd’hui défunt. Lors de la remise de son premier rapport, en 2006, les autorités ministérielles lui avaient interdit de faire état publiquement de l’inéluctabilité statistique d’un accident vu l’état du réseau et les moyens alloués. Pétri de remords, il nous avait accueilli quelques semaines plus tard dans son bureau de Lausanne pour nous faire part de sa grande inquiétude.
Nous retranscrivons ici un passage de l’interview qu’il nous avait accordée le 31 mai 2006 * :
Question. «Êtes-vous étonné par les récents déraillements sur le réseau français ?»
Réponse de Robert Rivier : «Pas du tout. Si l’on continue à utiliser les mêmes moyens en personnel, en machines, en matériel, si l’on ne fait que des réparations ponctuelles, la probabilité de ce type d’événements augmente. Aujourd’hui, sur le réseau français, on joue au pompier. C’est totalement inefficace et cela mobilise énormément de personnel. Et tout cela va s’accélérer car, plus le réseau est en mauvais état, plus vite il se détériore. C’est un engrenage. On sait très bien qu’il y aura de plus en plus de problèmes. Non seulement des incidents, mais aussi des accidents. Le problème est qu’il faudra arriver à une situation extrême pour que l’on intervienne. Aujourd’hui on se dit que le réseau peut encore servir, tant qu’il y a toujours des rails !»
Nous sommes en 2006… Brétigny, c’est 2013. Entre les deux, quelques modestes rallonges de crédits, pas de vraie décision sur la consistance du réseau, des évaporations de centaines de millions pour acheter des rames TGV… L’entretien se poursuit.
Dernière question à Robert Rivier. «Que va-t-il se passer, comment sauver le réseau ?»
R. R. «Je suis très inquiet pour ce qui concerne la mise en place de l’amélioration du réseau. J’ai peur que l’on ne laisse pourrir la situation sans véritablement décider de fermer des lignes. On parle déjà de 1 500 kilomètres de ralentissements. Plus ce sera lent, plus les voyageurs iront vers d’autres modes. La vision des régions peut sauver un certain nombre de lignes menacées. Car aujourd’hui c’est paradoxal, les Régions achètent du matériel roulant superbe qui circule sur une voie qui le démolit rapidement. On peut comprendre que les Régions ne soient pas satisfaites. Ce n’est pas à elles d’entretenir l’infrastructure. Dans beaucoup de régions, toutefois, il n’y a pas de dynamisme suffisant ni de plans à long terme. C’est une tournure d’esprit qui viendra peut-être quand l’essence coûtera 6 euros.»
«… ou après une série d’accidents ?»
R. R. «En effet. En Grande-Bretagne, il aura fallu qu’il y ait 20 ou 30 morts. Après quoi, les Anglais se sont mobilisés de façon remarquable. Ils ont fait des choix, déterminé une vision à long terme pour leurs chemins de fer et ont choisi d’abandonner une partie de leur réseau. Avant on parlait de l’Angleterre. Maintenant, la France est la première sur la liste.»
Nous en sommes en 2022, et on attend toujours une vision long terme du réseau hexagonal.
* Interview réalisée par Gilles Dansart et Guillaume Leborgne, parue dans La Vie du Rail le 31 mai 2006.
INFRASTRUCTURES
Révision du RTE-T : la drôle de position française
La DGITM accueille avec réserves la proposition de la Commission. L’esprit européen ne soufflerait plus sur Paris ?
C’est assez rare pour être souligné : un colloque sur la révision du RTE-T (réseau transeuropéen de transport) a presque rempli le grand amphi de la Maison de la Chimie, mardi dernier à Paris ! 150 personnes, sans compter les participants en distanciel, cela a réjoui TDIE, qui organisait l’événement en partenariat avec la revue TIM et Mobilettre.
Il faut dire que le plateau était relevé : Herald Ruijters, DGA de la DG Move, le grand ordonnateur des RTE-T à Bruxelles, le député Dominique Riquet, la DGITM Sandrine Chinzi, les députés David Valence (président du Conseil d’orientation des infrastructures) et Jean-Marc Zulesi (président de la commission du développement durable), deux coordinateurs de corridors, Peter Balazs et Carlo Secchi, Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie etc.
L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit de confirmer le dispositif des corridors, et de le compléter
Surtout, les échanges étaient exclusifs, puisque c’est le lendemain que le rapport des députés Riquet et Thaler sur la proposition de la Commission était présenté au Parlement. Dix ans après la naissance du RTE-T en 2013, sa révision entre en effet dans sa dernière phase. L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit de confirmer le dispositif des corridors, et de le compléter. Les sept recommandations du député Riquet sont à ce titre instructives, puisqu’elles débordent la stricte définition technique des infrastructures pour encourager, entre autres, l’intégration des nouveaux nœuds urbains, des problématiques de maintenance et de neutralité carbone.
Une salle remplie, une assistance attentive, des débats dynamiques * … et une surprise : l’accueil très réservé de l’Etat français à l’égard de cette révision, via la directrice par interim de la DGITM Sandrine Chinzi. «La France est favorable à la révision, mais attention à ne pas aller encore plus loin sur des objectifs qu’on saura encore moins attendre», a-t-elle averti, avant de poursuivre: «Nous sommes sceptiques pour ne pas dire plus relativement aux outils et mesures contraignantes», faisant référence aux actes d’exécution qui pourraient tomber prochainement. Diantre, l’esprit européen ne soufflait pas à Paris mardi dernier… Le «meilleur» était pourtant à venir : «La France est un peu déçue du dernier appel à projets du MIE-T qui n’a pas forcément apporté tout ce qu’on espérait d’un point de vue financier et qui peut nous interroger sur les perspectives de financer les très grands projets que sont le canal Seine Nord Europe et le Lyon-Turin.»
Stupeur d’Herald Ruijters… L’Europe n’a toujours pas reçu de demande officielle sur le Lyon-Turin, qui est même en retard sur sa consommation de budget ! Quant à la part financée sur le tunnel de base, elle n’est pas remise en cause, à 50%, et on attend toujours la décision française concernant les voies d’accès (lire ci-dessous **).
Est-ce seulement une énième manifestation de l’opposition sourde mais résolue au Lyon-Turin, de la part d’une partie des hauts fonctionnaires de la DGITM et de l’IGEDD ? Ou un ajustement de la position officielle du gouvernement ? Jusqu’ici Clément Beaune semblait très allant sur le bouclage du dossier des voies d’accès. Toujours est-il que les députés Valence et Zulesi n’ont pas semblé goûter une telle sortie…
* Voici le lien pour accéder au replay des échanges du mardi 25 octobre.
** Dans notre dernier numéro nous nous sommes un peu égarés dans les voies d’accès… Le scénario dit du Grand Gabarit n’est pas évalué à 18 milliards d’euros, mais à 6,7 milliards selon la DUP de 2013, cofinançables à 50% par l’UE. Les aménagements des projets connexes de l’étoile ferroviaire lyonnaise (CFAL Nord + doublement Saint-Font / Grenay) s’élèvent quant à eux à 2,5 milliards.
NOMINATION
Castex à la RATP : c’était prémédité
Selon le Canard Enchaîné le président Macron aurait jugé «absurdes» (c’est le moins que l’on puisse dire) les réserves émises par la HATVP dans son avis favorable à la nomination de Jean Castex à la tête de la RATP. Ou comment faire porter à un autre la responsabilité d’une situation qu’on a soi-même créée…
C’est d’autant plus stupéfiant que la consultation attentive de l’avis de la HATVP du 18 octobre révèle que sa saisine date du… 29 septembre. Autrement dit, le projet de nommer l’ancien Premier ministre est bien antérieur à une évaluation des candidat-e-s: l’exécutif a laissé se dérouler le processus de recrutement tout en préparant secrètement sa solution à lui. Conclusions : le process d’instruction de la HATVP a été respecté (on ne parle pas de la consistance de son avis) et le fait du Prince était bel et bien prémédité. On attend désormais avec grand intérêt les auditions parlementaires de l’impétrant. Celle au Sénat est pour l’instant programmée au mardi 8 novembre, en attente de confirmation.
. . .
ENERGIE
Entre SNCF Réseau et les opérateurs fret, il y a de l’électricité dans l’air
Le prix de l’électricité proposé par le gestionnaire d’infrastructures pour 2023 explose à 500 € le Mégawatt/heure. Mobilettre vous explique pourquoi les «petits» opérateurs de fret sont furieux et font planer la menace d’arrêter les trafics.
De la CER (Communauté européenne du Rail) aux TER la même préoccupation s’exprime sur le niveau des prix de l’électricité. A juste titre. Mais il en est que l’on n’entend pas et pour qui c’est tout simplement une question de vie ou de mort : les petits opérateurs fret, qui avaient l’habitude d’acheter leur énergie de traction à SNCF Réseau, via la RFE (redevance pour la fourniture du courant de traction).
Vu l’ambiance de la réunion telle qu’on nous l’a racontée, il valait mieux qu’elle se tienne en distanciel…
DB Cargo, CFL Cargo ou encore Sibelit et Lineas, qui cette année encore achetaient leur énergie de traction à SNCF Réseau autour de 100 euros du Mégawatt/heure ont appris au sortir de l’été qu’en 2023 les prix allaient flamber autour de 500 euros du Mégawatt/heure. Il y a quinze jours SNCF Réseau confirmait le prix pour 2023 : 499 euros le Mégawatt/heure. Vu l’ambiance de la réunion telle qu’on nous l’a racontée, il valait mieux qu’elle se tienne en distanciel…
Seule explication de Réseau : ses contrats de fourniture d’électricité arrivant à échéance en décembre, après un appel d’offres infructueux lancé en début d’année pour une durée de six ans (3 ans reconductibles), elle a décidé, au cœur de l’été, de faire ses courses. Au moment où les prix étaient les plus hauts, elle a donc acheté à EDF, seul à avoir soumissionné, les quantités dont elle avait besoin pour 2023 en prix ferme à 500 euros du Mégawatt/heure et en prix variable à 1000. Pourquoi cette précipitation alors qu’un mois plus tard les prix étaient déjà divisés par deux ? Pourquoi, quand on n’est pas spécialiste, se lancer dans une telle aventure ? Réseau s’abrite derrière l’expertise de SNCF Energie mais sans acheter directement auprès d’elle comme l’ont fait d’autres entités. Mystère. Réseau n’a même pas répondu sur l’existence d’une clause de résiliation et simplement déclaré à ses interlocuteurs que si le prix ne leur convenait pas ils n’étaient pas obligés de l’accepter. Autrement dit, si cela ne vous plait pas, allez vous faire f…
Il ne s’agit pas de plaire ou pas, c’est tout simplement qu’avec un tel coût d’énergie de traction et une multiplication par cinq aucun de ces opérateurs ne pourra proposer un prix acceptable par le marché. Pour ces opérateurs fret, 180 euros du Mégawatt/heure serait le prix maximum acceptable. Pour un Captrain France qui fera rouler le maximum de trains en thermique, les autres -sauf à ce qu’ils trouvent une solution miracle- resteront à l’arrêt et les marchandises prendront la route. Dans le contexte environnemental actuel on voit ce que cela signifie. Certes les plus gros de ces opérateurs ne dépassent pas 4% du marché, mais même si 10% devaient se reporter sur route, alors même que la relance du fret ferroviaire s’amorçait, à cause de l’incurie de SNCF Réseau ce serait criminel. Selon nos informations lesdits opérateurs ont déjà saisi le ministère des Transports de la situation.
Comment s’explique la légèreté avec laquelle SNCF Réseau prend cet achat calamiteux ? En fait, elle consomme elle-même très peu d’énergie, les trains de travaux fonctionnant au diesel sous coupure électrique et la SA SNCF Voyageurs procédant elle-même à ses achats. Elle doit néanmoins couvrir ses propres besoins pour la traction électrique sur le réseau ferré national qui représentent un peu plus de 10% de la consommation totale de la traction électrique sur le réseau, et qui se répartissent entres les pertes électriques par effet joule (depuis les sous-stations jusqu’au point de captage des trains) et la fourniture d’électricité aux entreprises ferroviaires qui lui en font la demande, soit au total l’achat des quelques 860 Gigawatt / heure prévus au budget 2023-2024 pour un montant de l’ordre de 425 millions d’euros. Elle achète pour revendre et donc elle refacture le prix d’achat sans en supporter vraiment les conséquences.
Là où Réseau pourrait être rattrapée par la patrouille c’est que la tarification d’infrastructure, c’est-à-dire les péages, comporte une composante « électricité » via la redevance RCTE (Redevance pour le transport et la distribution de l’énergie de traction)-composante A, indexée sur le montant de la RFE (Redevance fourniture d’électricité). A la différence de l’énergie de traction vendue aux petits opérateurs, cette part de redevance est une prestation minimale et est donc régulée. S’il s’avérait que le niveau de péages pour l’horaire de service 2023 subissait de ce fait une hausse disproportionnée, ce serait étonnant que le régulateur ne demande pas des comptes au gestionnaire d’infrastructure avant de les approuver…
ACQUISITION
Transdev, business in America
L’acquisition de First Transit confirme les ambitions de développement de Thierry Mallet
Cela faisait un bout de temps que Transdev s’intéressait à la partie transport conventionnée de First Group – et cela explique probablement pourquoi le fond suédois EQT, qui avait racheté l’ensemble pour 4,6 milliards de dollars en avril 2021, a fait affaire avec le groupe français pour le rachat de l’activité First Transit (1,3 milliard de dollars de chiffre d’affaires). D’une certaine façon, il ne semble pas y avoir d’incompatibilité culturelle entre les deux groupes, qui partagent une éthique comparable, à savoir le respect des autorités organisatrices et des usagers de transport public.
Cette opération correspond aussi à un alignement des planètes. Côté EQT, il était probablement acté dès l’acquisition d’avril 2021 que l’ensemble était trop gros – First Transit paraissait la partie la plus facilement cessible. Côté Transdev, les liquidités sont là, les activités américaines assainies grâce à des provisions suffisantes pour neutraliser les risques claims et à la cession des activités B to C, juste avant la pandémie. En outre, le relèvement des taux d’intérêt a probablement refroidi les ardeurs des fonds d’investissements hier encore tout-puissants. La voie était libre.
Transdev Amérique du Nord devient la deuxième activité du groupe après la France
First Transit, c’est une flotte de 12 000 véhicules et 20 000 collaborateurs, sur 41 Etats américains, quatre provinces canadiennes et Porto Rico. Avec cette acquisition, qui ne devrait générer que des effets de bords mineurs (à savoir des pertes de contrats consécutifs au rachat), Transdev Amérique du Nord devient la deuxième activité du groupe après la France, et devant l’Allemagne. L’absence de crise énergétique aux Etats-Unis et le fort soutien fédéral au transport public (25 milliards de dollars) sont aussi des facteurs d’attractivité très favorables. Pour autant, la gestion d’une telle activité de transport conventionné, à laquelle Transdev apportera son expertise en matière de marketing et de services, n’est pas des plus simples, dans un pays continent qui ne facilite pas les échanges de proximité indispensables à une exploitation de qualité. Il faudra un management adapté pour tenir les objectifs de qualité et de profitabilité.
Cette acquisition américaine confirme la bonne sortie de pandémie du groupe Transdev à l’international en cette fin 2022 (Toronto, Quito, Stockholm). Pour son PDG Thierry Mallet, «elle ne bloque aucun des autres projets du groupe». Pour preuve, en France, l’ouverture du marché ferroviaire (Hauts-de-France, Pays-de-la-Loire, Transilien…) et du marché des bus RATP, l’allotissement lyonnais mais aussi trois appels d’offres urbains (Reims, Le Havre, Lens) mettent les équipes sous tension. Il faut bien çà pour faire oublier l’échec de Bordeaux.
HOMMAGE