Mobitelex 425 – 14 septembre 2023

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Mobitélex. L'information transport

les décryptages de Mobilettre

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Semaine positive

Contre la déréliction et les désordres, quelques notes d’espoir…

Cette semaine s’annonçait mal. Entre le psychodrame tristement récurrent du PLF (Projet de loi de Finances) et quelques communications officielles aussi urticantes que les méduses cet été en mer Méditerranée, il allait falloir prendre sur soi.

Mais dès lundi soir, la tendance s’est inversée, avec la présentation de douze nouveaux tandems architectes/artistes pour les gares du Grand Paris Express. Leur dialogue va enrichir les espaces d’une nouvelle dimension monumentale; il réjouit déjà des ingénieurs et des chefs de projet ravis de sortir de leur routine et de chercher des solutions techniques (lire ci-dessous). Le transport public n’est pas condamné à l’ascétisme esthétique, ce qu’une visite de la nouvelle gare Saint-Denis Pleyel nous a confirmé de façon éclatante le lendemain, mardi.

Mercredi, on a commencé par un café matinal et rafraîchissant : notre interlocutrice qui, comme nombre de ses homologues, a trop connu les incohérences, faiblesses et autres renoncements des tutelles et des états-majors à la transformation des organisations, réfléchit désormais, loin du tumulte, à sa future contribution à une nouvelle vision long terme des politiques publiques. Ne pas renoncer…

Et ce jeudi matin, la lecture dans un papier des Echos de deux phrases d’Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project : « Des gens brillants et humbles regardent le monde de demain avec beaucoup de prudence. Ils n’hésitent pas à s’entourer de talents plus puissants que le leur, à faire la courte échelle à la jeune génération et à déployer vis-à-vis d’elle des trésors de bienveillance. Au contraire, d’autres – non sortis de la torpeur des trois dernières années et se disant qu’il n’est pas possible que le monde ait autant changé – ont oublié qu’il leur fallait décider et pas seulement piloter. Non armés pour demain, ces dirigeants laissent leurs plans de transformation à l’arrêt alors que des vagues de complexité et de crises ne cessent de se succéder. »

Nous allons comme souvent dans ce numéro de Mobilettre raconter quelques dessous pas très glorieux de l’actualité. Mais en marge du doute collectif et des désordres de la gouvernance publique, les dynamiques qui émergent ici et là nous rassurent. Et si en plus le 28 octobre les Bleus sont champions du monde de rugby… G. D.

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CONSEIL D’ETAT

Le gouvernement face aux concessionnaires d’autoroutes : le grand cafouillage

La publication mardi par Mobilettre (lire MobiAlerte 109) d’un avis du Conseil d’Etat sur la rentabilité des SCA (sociétés concessionnaires d’autoroutes) et les possibilités de résiliation des contrats a provoqué quelque émoi. Du coup le Conseil d’Etat a publié le lendemain l’intégralité d’un deuxième avis sur les conditions d’une surtaxation, révélé en partie par nos confrères de Contexte, et qui révèle à nouveau les incohérences du gouvernement. Cela mérite quelques explications.

On a compris pourquoi Emmanuel Macron a été copieusement sifflé vendredi dernier au Stade de France, lors de l’ouverture de la Coupe du Monde de rugby : il ne respecte pas les règles du jeu, ce qui dans un sport aussi codifié que le rugby est inadmissible…

On a retrouvé le texte de son audition en tant que ministre de l’Economie et des Finances, devant les sénateurs, le 9 avril 2015, suite à l’accord conclu avec les SCA sur le PRA (plan de relance autoroutier), et notamment cette phrase : « Le Gouvernement s’est engagé sur la stabilité du cadre fiscal spécifique des sociétés autoroutières. Il ne créera pas de redevances ou d’impositions spécifiques durant cette période. Ces sociétés ne connaîtront que les baisses ou les hausses d’impôts de toutes les sociétés. »

Bruno Le Maire veut probablement faire oublier qu’il a activement œuvré aux privatisations

Huit ans plus tard, son successeur Bruno Le Maire veut probablement faire oublier qu’en tant que directeur de cabinet du Premier ministre Dominique de Villepin il a activement œuvré aux privatisations ; il cherche à réduire la durée des concessions, ou à surtaxer les SCA, et saisit avec frénésie le Conseil d’Etat au printemps dernier. Las ! ce dernier rappelle le droit sans faiblir, et renvoie le gouvernement à ses responsabilités politiques.

S’agissant d’une surtaxation spécifique aux SCA, la première idée consisterait à neutraliser le principe de compensation fiscale spécifié dans l’article 32 du cahier des charges des SCA, et renforcé par l’accord de 2015 (évoqué ci-dessus par Emmanuel Macron). Le Conseil d’Etat a examiné trois motifs d’intérêt général invoqués par le gouvernement :

La correction d’un «effet d’aubaine», c’est-à-dire une rentabilité des contrats plus importante que prévu. «Il est inhérent au principe même d’une convention de concession que le concessionnaire assume en totalité, ou au moins pour une part significative, les risques économiques et financiers de l’exploitation, que ceux-ci se traduisent par des évolutions qui lui sont favorables ou défavorables», rappelle le Conseil d’Etat.

La protection des usagers en matière tarifaire. «Légitime», répond le Conseil, mais elle entraînerait la neutralisation d’autres mesures de compensation.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre : «Le motif d’intérêt général fondé sur la mise à contribution d’exploitants d’infrastructures ayant un impact négatif sur l’environnement ne saurait justifier la neutralisation, s’agissant de l’imposition en cause, du dispositif de compensation prévu par l’article 32 des cahiers des charges», tranche le Conseil d’Etat.

Voilà le gouvernement bien avancé. Le coup de grâce est porté à la fin de l’avis : «Le Conseil d’Etat considère que la mesure législative envisagée par le Gouvernement présente un risque important d’inconventionnalité au regard du droit au respect des biens garantis par l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.» Autrement dit, si vous taxez les SCA vous risquez de vous retrouver devant la CEDH (Cour européenne des Droits de l’Homme) ! Savoureux.

Faute de taxation spécifique, reste l’hypothèse d’une taxation générale, à condition de respecter le principe d’égalité devant l’impôt. Il faut donc trouver au gouvernement une catégorie homogène : tous les délégataires de service public, tous les concessionnaires ? Pas simple… Surtaxer les DSP, cela reviendrait en quelque sorte à taxer la SNCF pour financer la SNCF… Aberrant, car le Conseil d’Etat avertit: on ne peut distinguer l’Etat des collectivités locales en la matière. Par ailleurs, il déconseille de faire une partition entre les concessions signées avant 2017 et les autres – autrement dit, tous taxés, et pas seulement les SCA historiques…

On souhaite donc bien du courage au gouvernement pour se sortir du bourbier juridique dans lequel il s’est engagé, et dont, fait très inhabituel, le Conseil d’Etat ne dissimule aucun détail, puisqu’il a rendu publics ses avis. Une mêlée, un bon arbitre : il ne reste plus à l’Etat qu’à respecter les règles qu’il a lui-même édictées.

PLF 2024 : y a-t-il un arbitre ?

Mobilettre s’est étonné auprès d’éminents spécialistes du budget que ne figure pas dans la version du PLF 2024 transmise au Conseil d’Etat la semaine dernière l’augmentation des taux de Versement Mobilité et de taxe de séjour, promise au mois de juillet par Clément Beaune afin de dénouer la crise avec IDFM. «C’est logique : Bercy ne veut pas d’une augmentation de la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Mais les choses vont se dénouer au Parlement, à coups d’amendements.»

Y a-t-il un pilote ou un arbitre au sein du gouvernement ? Manifestement Bruno Le Maire fait ce qu’il veut, et la Première ministre en est réduite avec son ministre des Transports à composer une partition difficile voire risquée à l’Assemblée pour ne pas ouvrir une nouvelle crise avec Valérie Pécresse, qui menace logiquement de ne pas ouvrir à l’exploitation les lignes du Grand Paris Express.

Et dire qu’en 2017 il fallait s’inspirer en matière publique des gouvernances d’entreprise… Rien n’a changé : la cacophonie continue. Et parfois même les RIM (réunions interministérielles), dont le nombre a spectaculairement crû au fil des années, ne suffisent même pas à clarifier les situations, de l’aveu même de nombreux participants.

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AMENAGEMENT

La grande distribution en veut toujours plus

Face au désastre des zones commerciales périphériques, le gouvernement ne veut pas désigner de responsables et dresse un nouvel horizon plus écologique. Du coup les grands distributeurs demandent plus d’argent et plus de facilités réglementaires pour «réparer» leurs propres outrances, réalisées avec la complicité des pouvoirs publics. Gonflé.

Un formidable mea culpa. Les responsables politiques et économiques semblent enfin découvrir l’impact du suréquipement en zones commerciales sur les modes de vie, l’environnement et les mobilités. Destruction des terres agricoles, imperméabilisation des sols, surconsommation, conditionnement à la voiture, uniformisation paysagère… Tout ceci a été vertement stigmatisé, « mais sans jugement », le 11 septembre, devant 100 représentants du secteur, réunis à Bercy par Olivia Grégoire et Christophe Béchu. Le « nouvel horizon » des étendues commerciales périphériques se matérialiserait, selon les images synthétisées avant/après, en bâtiments en bois et forêts urbaines au milieu desquels piétons et cyclistes baguenauderaient avec légèreté.

Les grands distributeurs ne sont pas les derniers à brûler ce qu’ils ont adoré. Lors d’un colloque organisé en juin par Procos, la fédération des enseignes, Antoine Frey, président du groupe immobilier familial, avait qualifié les zones de « no man’s land dégueulasses ». Antoine Grolin, président de Ceetrus, foncière du groupe Auchan, jure désormais par « la ville du quart d’heure ».

La concurrence est rude ; les requins se mangent entre eux

La grande distribution sent le vent tourner. Non tant en raison de l’aimable argumentation d’Olivia Grégoire que parce que son modèle s’effrite, comme le montrent la presque faillite de Casino ou le plan social chez Carrefour. Le ravitaillement hebdomadaire ne fait plus rêver. La concurrence est rude ; les requins se mangent entre eux. « Chaque ville moyenne a sa zone commerciale, désormais », a assuré Marie Cheval, présidente de Carmila, la foncière de Carrefour. C’est peu dire : chaque ville en a plutôt trois ou quatre. Enfin, nombre consommateurs ont remplacé le réflexe pratique « parking + caddy » par l’encore plus pratique « appli + camionnette de livraison ».

Contrairement à ce qu’aimerait faire croire le gouvernement, ce sont les leaders du secteur qui, les premiers, ont théorisé une requalification des zones commerciales rattrapées par l’urbanisation. En mars 2021, le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), rebaptisé depuis Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (Fact), réclamait la « reconversion » des zones délaissées en « bases avancées de livraison à domicile » ou en « logements sociaux ». Pour « compenser le coût de la reprise », l’organisation demandait « une exonération de taxe foncière pendant cinq ans » ainsi que la possibilité de « réaliser un petit agrandissement, de 30% environ, sans artificialiser ».

C’était quand même sans doute un peu trop pour le gouvernement, qui préfère mettre sur la table 24 millions d’euros dans un premier temps, destinés, dans une vingtaine de villes, à « financer des études préalables » et même « une partie du déficit d’exploitation commerciale » lié aux projets. Autrement dit, l’argent du contribuable est mobilisé pour réparer les dégâts commis par un secteur qui a grossi trop vite, avec bien souvent la complicité des élus locaux.

Ceci n’empêche pas la grande distribution d’en vouloir plus. « Ce sont des projets coûteux », a pontifié Marie Cheval face aux ministres. « Sur un champ, c’est facile, mais on ne le ferait plus. Sur un parking, c’est un peu plus difficile. Mais, dans un centre commercial existant, il faut déplacer des commerçants et aligner les outils pour les convaincre », a-t-elle plaidé. « L’argent ne nuit jamais, a osé Antoine Frey, mais l’argent que vous nous ferez surtout économiser, c’est en simplifiant l’horreur administrative ».

Pour mémoire, cela fait des décennies que le lobby de la grande distribution, qui avait combattu la loi climat, obtient des différents échelons de pouvoirs publics des subventions et une simplification des procédures pour l’aider à construire de nouvelles zones. Et il suffit d’arpenter le pays pour constater que ce n’est pas fini, « nouvel horizon » ou pas. Les négociants n’abandonnent jamais.

Saint-Denis Pleyel, un chantier en bonne voie

Mardi 12 septembre, vue du Sacré Cœur depuis la gare Saint-Denis Pleyel.

Le rendez-vous était pris depuis juillet avec Jean-François Monteils, président du directoire de la SGP, un an pile avant le début des Jeux Olympiques : la gare Saint-Denis Pleyel, la plus grande du Grand Paris Express (250 000 voyageurs/jour à terme), probablement l’une des plus complexes, est aussi la plus sensible politiquement. Elle donnera accès en juillet prochain via la ligne 14 à plusieurs enceintes capacitaires, dont le Stade de France et la nouvelle piscine le long de l’A1.

A l’issue d’une visite de près de deux heures, nous avons pu nous rendre compte de la bonne avancée des travaux, à commencer par tous ceux relatifs à l’infrastructure de circulation. Les essais sur la ligne 14 ont commencé et vont s’enchaîner à haute fréquence jusqu’au printemps. A la RATP de jouer, puisqu’elle exploitera la ligne intégralement depuis Orly. A cet égard, l’entreprise publique et l’industriel Siemens se montrent confiants après, notamment, des essais réussis cet été. Le double défi technique (raccorder une ligne existante de part et d’autre à deux tronçons nouveaux, et substituer au système de signalisation en place une version toute nouvelle) enjoint malgré tout à une certaine prudence. Il ne suffit pas que la Présidence de la République mette la pression pour que les bugs disparaissent.

S’agissant du bâtiment lui-même, le directeur de projet Mathieu Mallet, qui s’y connaît en chantiers contraints et complexes pour avoir travaillé notamment à la canopée des Halles, aligne les preuves du bon avancement des travaux : gros œuvre terminé, fermeture des façades en vue d’une mise hors d’eau et hors gel au 15 décembre, 56 escaliers mécaniques posés en six mois, les 17 ascenseurs de l’atrium en cours d’installation. Les approvisionnements sont étroitement surveillés. 450 personnes travaillent actuellement sur le chantier, et pendant l’été le nombre n’est jamais descendu en-dessous des 350. Un chantier, c’est aussi beaucoup de management des équipes. Il y aura dans les mois qui viennent jusqu’à 550 personnes, dont 70 pour fixer tous les plafonds à partir d’octobre!

Mais pour qu’une gare fonctionne, il faut aussi préparer les services opérationnels. Au grand soulagement de la SGP, IDFM a attribué avant l’été l’exploitation des lignes 16 et 17 (à Keolis), qui incluait l’exploitation de la gare. Les échanges sont désormais fréquents et réguliers pour aménager dès que possible les lieux et fixer les organisations.

Dans la dernière ligne droite des travaux, au printemps prochain, il s’agira aussi d’isoler les parties non exploitées de la gare, puisque les lignes 16 et 17, et encore davantage la ligne 15 pour laquelle le tunnelier est déjà passé, ne seront mises en service qu’en 2026. En ce qui concerne les étages supérieurs de la gare, que la SGP s’est réservés en domaine privé, ils ont été confiés par appel d’offres à Art Explora et Essor, mais il faudra encore deux ans avant l’ouverture au public (expositions, restauration, incubateur de start-up de création, plateau de répétition, quelques commerces… ).

Enfin, en extérieur, la confection du FUP (franchissement urbain Pleyel) dessiné par Marc Mimram touche presque à son but, côté gare RER D. Sa forme en Y encadrera la gare Saint-Denis Pleyel et permettra une continuité nouvelle au nord de la rue du Landy.


GRAND PARIS EXPRESS

L’art dans les gares, ce sera archi bien

Douze nouveaux tandems architectes/artistes ont été dévoilés lundi dernier par la Société du Grand Paris. Les réalisations envisagées devraient transformer la perception des nouveaux espaces voyageurs. Notre récit d’une collaboration inédite.


Prune Nourry disposera dans l’atrium de la gare Saint-Denis Pleyel, conçue par le japonais Kengo Kuma, 108 Vénus, inspirées des premières représentations de la femme au paléolithique.


Il y a des précédents artistiques dans l’Histoire des métros: les stations de Moscou dans les années 30, quelques-unes à Paris lors du centenaire, Stockholm, Crossrail à Londres, et encore plus récemment Naples. Mais l’ampleur de la programmation artistique et culturelle du Grand Paris Express dépasse de loin tout ce qui a pu se faire jusqu’à maintenant : la totalité des 66 gares et quatre ateliers de maintenance vont accueillir dans les années qui viennent des œuvres monumentales qui participeront d’une ambition urbanistique nouvelle. La banlieue, et plus seulement Paris, est désormais digne de l’art contemporain, dans le cadre de réalisations architecturales qui vont donner un sacré coup de vieux à pas mal de stations actuelles, y compris des plus récentes.

Contribuer par une programmation artistique ambitieuse à un meilleur vécu des voyageurs

«L’idée a germé en 2013», se souvient Pierre-Emmanuel Bécherand, directeur de l’architecture, du design et de la culture, «et dès 2015 le projet a été lancé.» Objectif : contribuer par une programmation artistique ambitieuse à un meilleur vécu des voyageurs, à une meilleure qualité et un plus grand respect des espaces – en d’autres termes plus technos, «favoriser un excellent rapport coût/bénéfice d’usage.»

Mais une telle ambition n’allait pas de soi. Il fallait créer l’adhésion pour échapper aux critiques, notamment sur le coût des opérations : même si les 55 millions d’euros nécessaires aux études, à la production des œuvres puis à l’ingénierie d’installation sont une goutte d’eau dans le budget global de la SGP (38 milliards d’euros à date), les comptables, les jaloux et les grincheux rôdent toujours. «20 millions seront apportés par les mécènes», précise Pierre-Emmanuel Bécherand, qui insiste sur la démarche choisie : la dimension artistique n’est pas une danseuse des présidents ni un outil de communication, elle est intégrée à la structure technique de la SGP, en l’occurrence sous la responsabilité de Bernard Cathelain, membre du directoire. Les ingénieurs et les chefs de projet se sont pris au jeu, progressivement : le dialogue avec les architectes et les artistes, s’il n’a pas toujours été facile, a apporté de la nouveauté, les a stimulés, tout en contribuant in fine à valoriser le regard extérieur.

Vis-à-vis des partenaires extérieurs, justement, la démarche était similaire : les projets ont été soumis aux élus, qui tous, à l’exception d’une seule escouade voulant valoriser «son» artiste local, ont compris le supplément d’âme apporté par le tandem archi/artiste.

Mais pour en arriver là, il a d’abord fallu créer ces tandems. De ce point de vue, le Code des marchés publics en matière artistique a évité d’en passer par des appels d’offres. «Une Commission artistique, dirigée par José-Manuel Gonçalvès, directeur du centquatre à Paris, a travaillé pour sélectionner entre un et cinq noms d’artistes, puis à en proposer un à l’architecte de la gare, en fonction d’une double lecture, verticale (cohérence avec le projet architectural) et horizontale (collection diversifiée sur l’ensemble des gares)», raconte Pierre-Emmanuel Bécherand.

Le dialogue s’est ensuite établi avec les architectes, pour aboutir dans la très grande majorité des cas à une proposition commune, soumise ensuite à une expertise de faisabilité. Une sculpture de Stromae n’a pu être édifiée : «Pas de matériau en bois», ont tranché les pompiers. Après la consultation des élus, il ne restait plus qu’à finaliser la maîtrise d’œuvre et la production, avant l’installation dans les derniers mois de la construction des gares.

«Nous avons emporté l’adhésion de tous les acteurs, en interne à la SGP comme en externe, progressivement grâce à des rencontres, des explications, des expositions», résume Pierre-Emmanuel Bécherand, impatient de voir les œuvres parachever les créations architecturales, d’ici juin prochain avec les premières mises en service sur la ligne 14.

A vous de vous faire une idée ! Nous avons choisi de présenter en images quelques projets parmi les 39 déjà élaborés.


Kapwani Kiwanga, à l’aéroport Charles-de-Gaulle T2 conçu par Daniel Jongtien, disposera des rideaux métalliques dorés suspendus aux passerelles, en forme d’échos aux déplacements des voyageurs dans les ascenseurs.


Loris Cecchini installera de fins modules d’acier à l’intérieur et à l’extérieur de la gare de Sevran-Beaudottes, aux formes linéaires et épurées, dessinée par Jean-Marie Duthilleul.


Eva Jospin va placer sur la façade de la gare de l’hôpital Bicêtre, imaginée par Jean-Paul Viguier, des lianes en bronze, en référence aux découvertes archéologiques du GPE.


Laurent Grasso à Montrouge a imaginé une voûte céleste en trompe-l’œil, directement inspirée des plafonds de la Renaissance, dans une gare géométrique et graphique, très béton brut, de David Trottin.


Daniel Buren à Sevran-Livry habille de verrières colorées les toitures de Jean-Marie Duthilleul.


Susanna Fritscher dans la plus profonde des gares du GPE, à Saint-Maur Créteil (un puits de 42 mètres de profondeur !), installera une nébuleuse de câbles très fins, évaporants, à n’en pas les distinguer de l’escalier de l’architecte Cyril Trétout.


A Vitry-sur-Seine, Abdelkader Benchamma peindra directement sur les parois en béton de l’architecte Frédéric Neau des dessins aux reflets ocres, bruns et bleutés.


RAPPORT

Covoiturage du quotidien : brouillage et gaspillage

Un rapport de La Fabrique écologique avec Forum Vies Mobiles liste les critiques (dopage aux subventions, faibles résultats, absence de contrôle) et émet quelques propositions… insuffisantes.

La politique de subvention aux trajets covoiturés de courte distance navigue « dans un brouillard total », dénonce Géraud Guibert, de la Fabrique écologique. Alors que les plateformes numériques, sur lesquelles mise le ministère, sont « dopées aux subventions », le covoiturage du quotidien « ne décolle pas », attaque un rapport publié le 12 septembre par la Fabrique, avec le Forum vies mobiles. Ce regard sévère est assorti d’autres critiques : le covoiturage informel, intrafamilial, échappe (et pour cause) aux politiques publiques, les aires « ne sont accessibles qu’en automobile », tandis que les voies supplémentaires attireraient « davantage de voitures », sans qu’un contrôle efficace ne les réserve effectivement aux véhicules pleins.

Le constat implacable ne plaît pas aux sociétés qui vivent de la manne, ni à Alain Jund, vice-président à Strasbourg : « J’assume que les politiques publiques commencent dans le brouillard », a-t-il affirmé, s’interrogeant, en miroir, sur « l’absence d’évaluation des sept milliards flambés dans les aides à la pompe ».

La subvention au trajet, quel que soit le mode de transport, ne peut servir de seule incitation. Mais pour remédier à ce « gaspillage », les deux think-tanks listent une série de recommandations vagues qui dépendent tantôt des pouvoirs publics (le « forfait mobilité durable obligatoire », « l’accompagnement financier et technique des administrations et entreprises »), tantôt d’acteurs privés (« contrôle à l’entrée des grands événements »), voire de l’écosystème tout entier (« fabriquer des véhicules plus légers »).

Le rapport passe délibérément à côté d’un levier : essayer de comprendre pourquoi les gens qui le pourraient ne covoiturent pas, ou mieux, grâce à quelles contraintes ceux qui le font réussissent, ponctuellement ou définitivement, à dépasser l’obstacle psychologique.

La ville, à pas comptés

La deuxième édition du baromètre des villes marchables, dont les résultats ont été dévoilés mardi 12 septembre, a compilé 42 400 questionnaires exploitables, ni plus ni moins qu’en 2021. Les constats sont toujours aussi alarmants. Les deux-tiers des répondants déplorent l’absence d’aménagements et se plaignent de l’empiètement des trottoirs par les terrasses, poteaux et autres voitures stationnées. Seul l’intérêt porté par la municipalité aux piétons obtient une notation légèrement supérieure à celle de 2021, 8/20 contre 7,4/20. Les habitants des plus grandes villes sont les plus impitoyables, y compris à l’égard des vélos circulant sur le trottoir.

Ces résultats peuvent-ils servir à renforcer les aménagements et leur respect ? Rennes et Strasbourg n’ont pas manqué de se gargariser de leur place, respectivement première et deuxième, sur le podium des grandes villes les moins hostiles aux piétons. A l’inverse, la note globale de Paris s’est sensiblement dégradée, malgré les 180 rues aux écoles et la guerre déclarée aux trottinettes en libre-service. Dans la capitale comme dans les autres villes les moins bien classées, un solide lobby piéton serait le bienvenu.

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