A la COP22, le Maroc donne l’exemple
Il y a plusieurs COP dans la COP 22. Celle des stands internationaux, assez peu intéressante, qui ressemble à n’importe quelle vitrine institutionnelle, celle des délégations et des négociations politiques, bardée d’enjeux d’images et de stratégies. Mais à Marrakech, c’est surtout sous deux grandes tentes de la zone verte qu’étaient concentrés, à notre sens, les contenus les plus innovants: des débats et des échanges, nombreux et souvent très suivis, sur les grands sujets de l’avenir écologique, et la présentation des initiatives et témoignages locaux, qui témoignent de l’ampleur du projet écologique des Marocains.
On a beaucoup parlé de l’ambition énergétique des autorités marocaines qui n’ont dans leur sous-sol ni pétrole ni gaz. Mais au développement massif des éoliennes et du solaire s’ajoute désormais une myriade d’initiatives, du recyclage des déchets à l’innovation sociale en passant par… la mobilité durable.
La mobilisation est décrétée pour tous les modes, sans exclusive. Côté transport public, on avait déjà pu constater les vertus de la ligne 1 du tram de Casablanca (lire Mobitelex 147 …). Mais à Marrakech, on a pu aussi mesurer le niveau d’ambition global pour les réseaux de transport public, en assistant à la leçon du wali Boutayeb.
Le secrétaire général du ministère de l’Intérieur depuis 2010 est un personnage qui compte de plus en plus dans le royaume. Appelé à la rescousse par le Roi fin septembre pour l’organisation et la sécurité des dessertes du site de Bab Ighli, où se déroule la COP 22, il intervenait samedi 12 novembre dans le cadre d’un Side Event organisé par la RATP. Intitulée «Transport et mobilité, quelles avancées pour concrétiser l’accord de Paris», la table ronde avait commencé plutôt classiquement. Elisabeth Borne, PDG de la RATP, faisait à la fois la promotion des «réseaux de transport en commun dense et efficace au service d’une ville plus durable» et celle du groupe RATP, engagé depuis plusieurs années à Casablanca (lire aussi ci-dessous) et partenaire de la COP 22 via sa filiale Ixxi, qui a développé l’application mycop22.
Et puis, devant près de 300 personnes et une salle quasi comble, Noureddine Boutayeb s’est lancé dans un exposé à faire pâlir d’envie les hérauts du transport public. Tout y est passé: l’équilibre des budgets d’exploitation par les mécanismes de subvention publique, l’impératif d’aboutir le plus vite possible à un effet réseau pour doper la fréquentation (et donc les recettes), le modèle de gouvernance qui associe l’Etat et les collectivités locales, jusqu’à la nécessaire liaison avec l’urbanisme, il est vrai encore insuffisante aujourd’hui dans les métropoles marocaines. A la lumière d’une telle démonstration et des compétences des équipes locales, notamment en matière numérique, toute tentation de considérer d’une façon ou d’une autre le Maroc comme une terre de prosélytisme pour le transport public serait une hérésie. C’est dans une culture d’échanges réciproques que s’établissent désormais les relations commerciales et technologiques avec le royaume chérifien.
Mohamed Ben Ouda, directeur général de la SNTL (société nationale des transports et de la logistique) et Marie-Claude Dupuis, directrice du département matériel roulant bus de la RATP, pouvaient ensuite vanter leurs efforts et leurs recherches respectives: le terrain était dégagé pour que soient entendues les disponibilités en matière de solutions innovantes, notamment les bus propres. En l’occurrence, les autorités marocaines sont d’un redoutable opportunisme à l’époque de la mondialisation. G. D.
Les attraits de Casablanca
Pour rempiler à Casablanca le sortant RATP Dev compte sur l’exploitation réussie de la première ligne du tram, inaugurée le 12/12/2012, et sur son équipe locale, compétente et bien implantée. L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agira aussi dans le prochain contrat d’exploiter la deuxième ligne, en construction, puis les TCSP suivants (tram et BHNS) qui formeront un réseau de 80 kilomètres.
Mais une telle perspective aiguise les appétits: selon nos informations l’espagnol Alsa, très présent dans plusieurs réseaux de bus marocains dont celui de Marrakech, et Transdev, déjà exploitant du tram de Rabat, ont décidé de répondre à l’appel d’offres de Casablanca.
Métro et trams: l’Algérie poursuit ses efforts
La rivalité entre le Maroc et l’Algérie n’est pas une légende. Surtout ne jamais oublier l’un quand on parle de l’autre, et réciproquement. L’exercice n’est guère difficile dans le domaine des transports publics, puisque l’Algérie poursuit son programme d’équipement.
A Alger d’abord, où l’on vient de célébrer le cinquième anniversaire de l’ouverture du métro exploité par RATP Dev. Les différents travaux de prolongement de part et d’autre d’un tronçon actuellement en service avancent bien, les futures mises en service à partir de 2017 devraient permettre de doper la fréquentation par la desserte de zones plus fortement urbanisées. En province, sept projets de tramway ont été confirmés, qui intéressent tout autant RATP Dev.
A lire prochainement notre reportage à Alger
Qualité de service en Ile-de-France:
la deuxième lame du tarif unique
Valérie Pécresse possède un art certain de faire de la politique sans en avoir l’air. Mardi 15 octobre, elle présentait le bilan de la qualité de service rendu aux voyageurs d’Ile-de-France. Tiens! alors même que l’année 2016 n’est pas finie, et qu’il ne s’agissait pas non plus d’évoquer les statistiques de 2015, à mettre strictement au compte de la majorité précédente. Mais le besoin de communiquer est le plus fort, presque un an après la victoire aux élections régionales et avant que la campagne présidentielle focalise tous les regards…
On a donc assisté à un mix assez habile de présentations: les bonus/malus sur l’activité 2015, les chiffres des neuf premiers mois de 2016, des analyses à cheval sur 2015 et 2016… Résultat, une posture au-dessus de la mêlée, à coups de bons et mauvais points attribués aux lignes de trains, métros, tramways et RER, et de pistes de progrès pour la suite. On est bien loin de la cogestion longtemps revendiquée par la SNCF.
La RATP s’en tire plutôt très bien grâce aux bons résultats du métro et du tramway, même si elle partage la responsabilité des piètres performances de la ligne A du RER avec la SNCF (85% de régularité seulement). La perspective d’un commandement unique suffira-t-elle à inverser la tendance sur la ligne la plus chargée d’Europe?
Transilien se voit logiquement réprimandé pour les RER C et D, et les lignes J, N, P et R. «Améliorer la ponctualité, c’est agir sur la grille horaire, le matériel, l’infrastructure, les méthodes de travail… Ce travail a été mené avec succès sur les lignes B ou L sud, nous l’engageons aujourd’hui sur les ligne sen difficulté», ont expliqué Guillaume Pepy et Alain Krakovitch aux élus.
En passant, on a quand même récolté une info de taille: sur une année, la progression de la fréquentation des réseaux SNCF a atteint 7%! Sans les intempéries et les grèves, elle aurait même dépassé allègrement 8,5%. L’effet Navigo a donc joué à plein, sans qu’on ait pour l’instant d’évaluation précise des recettes correspondantes: y a-t-il plus de voyages pour les anciens titulaires de Pass Navigo, quel est le volume exact de nouveaux possesseurs?
Sur le réseau RATP, logiquement l’effet est bien moindre – l’entreprise exploite principalement la zone dense alors que les voyages supplémentaires touchent surtout la banlieue et les bouts de lignes. Sur le RER, malgré tout, la croissance est de 2% hors effet calendaire.
Faut-il se réjouir de cette hausse spectaculaire? Pas forcément, car selon Alain Krakovitch, directeur de Transilien, elle a mécaniquement généré une dégradation de la ponctualité de 1,4 point. D’où vient ce chiffre? «Les analyses de nos chiffres d’exploitation et de régularité depuis des années nous font faire ce calcul mathématiques», explique-t-on à Transilien, sans plus de précisions. Si l’on tire le bilan de la décision du tarif unique, on aboutit donc à une baisse inédite de recettes aux alentours de 500 millions chaque année, mais aussi à une dégradation de la ponctualité des réseaux ferrés, due à un afflux trop rapide et massif de nouveaux voyageurs. Chapeau les élus-artistes! Pour affiner voire modérer le jugement, il faudra en savoir plus sur les éventuels surplus de recettes et les nouveaux convertis au transport public. Mais quoi qu’il en soit, le tarif unique c’est un peu comme le maintien des emplois de l’usine Alstom de Belfort: le coût est bien exorbitant pour les finances publiques, avec un bénéfice collectif très aléatoire…
BILLET
Quand le rat d’eau de l’Etat prend l’eau…
La cour administrative d’appel de Nantes a donné le coup de grâce (même si un recours au Conseil d’Etat reste possible) en réaffirmant haut et fort l’utilité publique du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le gouvernement n’a plus guère d’échappatoire pour faire appliquer les décisions, évacuer la ZAD et commencer les travaux. Sauf à organiser de nouveaux referendums, comme le proposait Ségolène Royal le 23 octobre dernier, jusqu’à ce que les opposants l’emportent. Ou sauf à considérer que les atermoiements du président de la République trouveront leur apogée dans les marais de la Brière, avec cette épitaphe: «Ici j’ai réussi à ne rien décider pendant cinq ans.»
Et puisque l’on parle de marécages politiques, c’est par les animaux se complaisant dans les troubles marais que tout est arrivé: la cour administrative d’appel de Nantes a validé l’arrêté du préfet autorisant le déplacement du campagnole amphibie, appelé rat d’eau depuis des siècles dans les campagnes et arvicola sapidus par les snobs.
Le préfet a pu déroger aux dispositions sur la protection de certaines espèces parce que «la création de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes vise à favoriser le développement économique du Grand Ouest, à améliorer l’aménagement du territoire et à développer les liaisons aériennes nationales et internationales, tout en réduisant les nuisances sonores subies par la population de l’agglomération nantaise», et qu’il n’y a pas d’alternative satisfaisante. Bref, ces dérogations doivent être regardées «comme justifiées par des intérêts économiques majeurs».
Quant aux espèces soi-disant en péril: triton marbré, barbastelle d’Europe, fluteau nageant, lézard vivipare, présents et répandus ailleurs, il n’y a pas lieu d’en faire un casus belli. Le scarabée pique-prune avait bloqué pendant six ans le chantier de l’autoroute A 28, la salamandre tachetée n’y parviendra pas à Notre-Dame-des-Landes. L’indécision de l’Elysée, elle, peut-être.
OpenDataSoft lève 5 millions d’euros
Les rois de la donnée sont français, et ils s’appellent OpenDataSoft. Ils gèrent (entre autres) les plates-formes d’exposition en Open Data des Chemins de Fer Suisses, du Stif, de la SAEMES, la SNCF, la RATP, ou encore de la plupart des réseaux Keolis (y compris la Star de Rennes). Ils annonçaient la semaine dernière avoir levé 5 millions d’euros avec pour ambition de renforcer leurs positions au niveau mondial. Il faut dire que le secteur est particulièrement porteur et que les récents textes de loi pourraient faire grossir les carnets de commande de la start-up. Malgré tout, en France, le travail reste ardu. Selon Mathieu Caps, Chief Public Affairs Officer chez OpenDataSoft, «il y a encore beaucoup à faire, notamment en matière d’évangélisation. Les acteurs français de la mobilité (AOT et opérateurs) ont toujours plus de questionnements et/ou de résistances que les anglo-saxons».